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Sénégal : une manifestation contre le report de la présidentielle violemment dispersée

Des heurts ont éclaté dimanche après-midi à Dakar, où les gendarmes sénégalais ont dispersé à coups de gaz lacrymogènes des centaines de personnes venues manifester contre le report sine die de la présidentielle prévue à la fin du mois. Des opposants et candidats à la présidentielle ont été interpellés alors qu'ils participaient à la manifestation.

De la fumée de gaz lacrymogènes s'élève de voitures participant à une manifestation à Dakar.
La police anti-émeute sénégalaise tire des gaz lacrymogènes sur les partisans du candidat de l'opposition à la présidentielle Daouda Ndiaye, à Dakar, au Sénégal, dimanche 4 février 2024. © Stefan Kleinowitz, AP
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Au Sénégal, des heurts ont éclaté dimanche 4 février, dans l'après-midi, à Dakar, où les gendarmes ont dispersé à coups de gaz lacrymogènes des centaines de personnes venues manifester à l'appel de plusieurs candidats de l'opposition contre le report de la présidentielle du 25 février, annoncé la veille par le chef de l'État, Macky Sall.   

Des hommes et des femmes de tous âges, agitant des drapeaux du Sénégal ou portant le maillot de l'équipe nationale de foot, ont convergé en début d'après-midi vers un rond-point sur l'un des axes routiers principaux de la capitale, à l'appel de plusieurs candidats.

"Nous sommes sortis pour dire non à cette forfaiture, non à ce coup d'État constitutionnel", a déclaré à l'AFP l'un des manifestants, Demba Ba, 36 ans.

Les gendarmes, déployés en grand nombre, ont déclenché un tir nourri de gaz lacrymogènes pour les disperser. Puis ils se sont enfoncés à pied ou en pick-up dans les quartiers adjacents, à la poursuite des manifestants en fuite. Ils ont alors essuyé de nombreux jets de pierre. Des jeunes scandant "Macky Sall dictateur !" ont entrepris de dresser des barrages avec des moyens de fortune.

L'une des candidates à la présidentielle, Anta Babacar Ngom, a été arrêtée par les forces de l'ordre selon son directeur de campagne.

L'ancienne Première ministre du Sénégal, nommée par le président Macky Sall puis passée à l'opposition et candidate recalée à la présidentielle, Aminata Touré a été arrêtée par la gendarmerie alors qu'elle participait à la manifestation de l'opposition, a indiqué à l'AFP le député d'opposition Guy Marius Sagna. "Je confirme qu'Aminata Touré a été arrêtée par les gendarmes", a déclaré Guy Marius Sagna. Cette dernière a posté un message sur X (ex-twitter) pour annoncer son arrestation. 

Daouda Ndiaye, autre candidat à la présidentielle, a posté sur les réseaux sociaux un message où il assure avoir été "brutalisé" par les forces de l'ordre, dans lequel il rapporte que certains de ses collaborateurs ont été "arrêtés".

 

Les autorités sénégalaises ont suspendu dimanche le signal d'une télévision privée coupable, selon elles, d'"incitation à la violence" à travers ses images sur les protestations contre le report de la présidentielle, a dit à l'AFP un responsable du ministère de la Communication.

Le ministère, "en accord avec le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA), a donné l'ordre aux diffuseurs de Walf TV de couper temporairement le signal pour incitation à la violence", a dit à l'AFP son directeur de la communication, Ousseynou Dieng. Le groupe Walf a annoncé sur les réseaux sociaux un "retrait définitif de sa licence par l'État".

Inquiétudes à l'international

Ce sont les premiers heurts consécutifs à l'annonce, samedi, par le président Macky Sall, du report sine die de la présidentielle du 25 février. 

Un report a suscité un tollé et fait craindre un accès de fièvre dans un pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique de l'Ouest, mais qui a connu différents épisodes de troubles meurtriers depuis 2021.

L'annonce a aussi provoqué l'inquiétude à l'étranger.

Plusieurs candidats d'opposition ont annoncé à la presse leur décision d'ignorer la décision du président Sall et de maintenir le lancement de leur campagne dimanche.

L'Union européenne et la France, importants partenaires du Sénégal, ont affirmé que le report de la présidentielle ouvrait une période "d'incertitude", et ont appelé à des élections "dans les meilleurs délais".

Les États-Unis et l'organisation régionale Cédéao, dont le Sénégal est membre, ont exprimé leur inquiétude, et ont demandé aux autorités de fixer rapidement une nouvelle date.

Le président Sall a annoncé samedi, quelques heures avant l'ouverture officielle de la campagne, l'abrogation du décret convoquant le corps électoral le 25 février.

C'est la première fois depuis 1963 qu'une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal, un pays qui n'a jamais connu de coup d'État, une rareté sur le continent.

Le président Sall a invoqué le conflit qui a éclaté entre le Conseil constitutionnel et l'Assemblée nationale après la validation définitive par la juridiction de vingt candidatures et l'élimination de plusieurs dizaines d'autres.

Commission d'enquête sur les candidatures

Les députés doivent se réunir lundi pour examiner une proposition de loi pour le report de la présidentielle de six mois, proposant la tenue de l'élection le 25 août prochain et la prolongation du mandat du président Macky Sall jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, peut-on lire sur l'agenda parlementaire. 

Le texte doit être approuvé par les 3/5 des 165 députés pour être validé.

Ce débat s'annonce comme un autre temps fort de la crise et l'approbation du texte ne semble pas acquise.

À l'initiative de Karim Wade, un candidat recalé qui a remis en cause l'intégrité de deux juges constitutionnels et réclamé le report de l'élection, l'Assemblée avait approuvé la semaine dernière la création d'une commission d'enquête sur les conditions de validation des candidatures.

Contre toute attente, des députés du camp présidentiel ont soutenu la démarche. Elle a provoqué une vive querelle sur la séparation des pouvoirs, mais aussi nourri le soupçon d'un plan du pouvoir pour ajourner la présidentielle et éviter une défaite. Le candidat du camp présidentiel, le Premier ministre Amadou Ba, est contesté dans ses propres rangs et fait face à des dissidents.

Au contraire, le candidat anti-système Bassirou Diomaye Faye, à la candidature validée par le Conseil constitutionnel bien qu'il soit emprisonné depuis 2023, s'est imposé ces dernières semaines comme un postulant crédible à la victoire, un scénario cauchemar pour le camp présidentiel.

Éviter la défaite à tout prix ? 

Selon le code électoral, un décret fixant la date d'une nouvelle présidentielle doit être publié au plus tard 80 jours avant le scrutin, ce qui mènerait à fin avril dans le meilleur des cas.

Dans ce scénario, Macky Sall risque ainsi d'être encore à son poste au-delà de l'échéance de son mandat, le 2 avril, créant une inconnue supplémentaire.

Avec AFP et Reuters   

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