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Recycler les vieux bateaux : un défi technologique

En se décomposant, un bateau dégage des substances : du plastique, des matériaux composites qui ne se dégradent pas, mais aussi des peintures, de l’huile, du carburant ou encore les liquides de batterie.
En se décomposant, un bateau dégage des substances : du plastique, des matériaux composites qui ne se dégradent pas, mais aussi des peintures, de l’huile, du carburant ou encore les liquides de batterie. © France 24

De vieux bateaux hors d’usage abandonnés sur le littoral. L'image pourrait sembler poétique mais ces épaves, souvent constituées de matériaux peu recyclables, s'accumulent le long des côtes françaises et posent de sérieux problèmes de pollution. Plusieurs entreprises développent des techniques de recyclage innovantes mais incomplètes. Certaines s’attaquent à la fabrication de matériaux plus facilement recyclables à l’avenir.

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Cimetières de bateaux 

En France, les bateaux hors service s'accumulent le long des côtes ou coulés au large. À l’entrée du village de Gâvres, en Bretagne, le voyageur attentif peut observer à marée basse des coques retournées, abandonnées à leur sort, remplies d’eau et envahies par de la mousse. Certains navires, en bois, ont l'air tout droit sortis d’un film de pirates. D’autres, plus modernes, faits de plastique et de composite sont bien plus récents. Tous ont été jetés là par des propriétaires qui n’en n’avaient plus l’usage et qui n’ont pas réussi à les vendre ou à les donner. 

À Gâvres, une opération de nettoyage est en cours, menée par Vassilis Spyratos de la Direction départementale des territoires et de la mer du Morbihan. "C’est un peu si vous aviez un déchet ou votre vieille voiture abandonnée, dont vous n’avez plus besoin et que vous alliez l’abandonner en forêt", constate-t-il. Ces déchets ne sont pas sans conséquence sur la dégradation du milieu, la biodiversité, et la pollution plastique. D'autant que Gâvres n’est pas une exception. "Il y a beaucoup d’autres sites comme ça sur le littoral français. Rien que dans le département du Morbihan on enlève une quarantaine d'épaves par an", déplore Vassilis Spyratos. Les propriétaires sont souvent retrouvés grâce à l’immatriculation du bateau, sommés de les enlever ou mis à l’amende.

Un déchet potentiellement toxique

Cette pollution est visuelle, mais pas seulement. Un bateau en fin de vie constitue une calamité environnementale. Difficile de savoir combien ils sont à terre, hors d’usage, dans les ports, dans les jardins ou en décharge. Mais il y en aurait près de 5 000, échoués au large des côtes françaises, le plus souvent près du littoral. En se décomposant, un bateau dégage des substances : du plastique, des matériaux composites qui ne se dégradent pas, mais aussi des peintures, de l’huile, du carburant ou encore des liquides de batterie. Autant de déchets à traiter avec soin. Sans compter que le nautisme a explosé en Europe depuis les années soixante, en particulier en France. Or les bateaux ayant une durée de vie de trente à quarante ans, le nombre de ces navires hors d’usage va exploser dans les prochaines années.  

Déconstruire les vieux bateaux

Le centre de tri Guyot Environnement de Kervignac, en Bretagne, propose de déconstruire ces bateaux pour séparer les différents matériaux qui les constituent. La filière est unique en Europe. "Dans chaque bateau qui est vendu en France depuis 2019, il y a une petite somme d’argent qui est collectée par le producteur", explique Lucas Debièvre de l’APER, Association pour la plaisance éco-responsable. "Cette somme est reversée ensuite à l'éco-organisme, l’APER, pour financer la fin de vie des bateaux. C’est comme un système de retraite, où la vente des bateaux neufs finance la fin de vie des vieux bateaux". Depuis 2019, l’APER a ainsi déconstruit 7 500 bateaux. Première étape : dépolluer l’embarcation, pomper l’huile, le carburant, les différents liquides qui pourraient fuir. Deuxième étape : récupérer ce qui peut l’être comme le bois, l’acier, les boulons, les éléments électroniques pour être recyclés. 

Seul hic, le recyclage des coques en composite, qui représentent une partie importante des bateaux, n'est toujours pas solutionné. Pour l’instant, "elle [la coque] va être mélangée avec d’autres déchets pour ensuite être incinérée et créer de l’énergie". C'est le gros défi à venir de ces prochaines années. 

Concevoir autrement

Recycler la coque, cela voudrait dire séparer les fibres de verre de la résine polyester qui les agglomère. Une association qui rend les bateaux solides, comme les pales des éoliennes. 

En Suisse dans la banlieue de Lausanne, une entreprise affine une technique qui permet de séparer ces deux éléments clefs, pour ensuite récupérer la fibre et pourquoi pas, la commercialiser à nouveau. "Ici on développe une technologie qui permet de recycler les matériaux composites et particulièrement les matériaux à base de fibre de verre", résume Guillaume Perben le PDG et cofondateur de la société. 

La technique de Composite Recycling, la pyrolyse, consiste à chauffer le composite à très haute température, mais sans oxygène. La résine ne brûle pas, elle est transformée en vapeur, séparée de la fibre de verre et devient ensuite de l’huile, potentiellement commercialisable elle aussi. Sauf qu'il existe peu d’acheteurs pour cette huile. Quant à la fibre, elle ressort colorée par un dépôt de carbone, qu’il faut nettoyer. 

Bien entendu, la qualité de la fibre obtenue n’égale pas celle de la fibre vierge. "On a toujours une marge de progression, on est aujourd’hui à 93-95 % des propriétés mécaniques de la fibre vierge", explique Guillaume Perben, qui assure par ailleurs que son procédé émet 5 % du CO2 qui serait diffusé en incinération. "Il n’y aura sans doute jamais 100 % de contenu recyclé dans un bateau. On a vraiment besoin des propriétés des fibres vierges qui sont exceptionnelles mais un hybride, un mélange entre les fibres vierges et des fibres recyclées, ça c’est vraiment l’avenir", conclut-il, réaliste.

Des bateaux éco-conçus ?

En quelques années, l'industrie du nautisme a donc progressé en matière de recyclage. La prochaine étape sera de concevoir des bateaux à base de nouveaux matériaux plus faciles à recycler et plus vertueux. C’est la piste suivie par l’entreprise Beneteau, numéro un mondial des bateaux à voile et numéro deux dans les bateaux à moteur.

La résine habituelle a été remplacée. "Pour faire des bateaux, aujourd’hui, on utilise des matériaux qui peuvent se rapprocher du comportement de l’œuf. La matière est liquide, on la met en température pour la mettre en forme, ensuite on la refroidit et c’est solide. La matière qui est utilisée sur ce bateau est différente, elle se rapproche plus du comportement du chocolat", explique Erwan Faoucher, directeur Recherche et Innovation chez Beneteau. La matière peut être fondue puis à nouveau durcie, puis refondue, ce qui permet de dissocier la fibre de la résine et donc à terme, d’imaginer un réemploi de ces fibres. Sachant qu’un bateau a une durée de vie de 30 à 40 ans, l’idée serait donc de réutiliser ces fibres dans les bateaux de la prochaine génération. 

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