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PRéPARATIFS

Ukraine : un petit pas de l’autre côté du Dniepr, un grand pas pour la contre-offensive ?

L’armée ukrainienne aurait non seulement réussi à franchir le Dniepr dans la région de Kherson, mais elle a aussi entrepris, mardi, de bombarder Tokmak, une ville occupée par les Russes et représentant un carrefour stratégique pour une éventuelle contre-offensive.

Des lance-roquettes américains utilisés par l'armée ukrainienne dans la région de Kherson.
Des lance-roquettes américains utilisés par l'armée ukrainienne dans la région de Kherson. © AP - Libkos
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Au sud, rien de nouveau, ou assiste-t-on aux prémices de la contre-offensive ukrainienne ? Deux événements survenus ces derniers jours ont piqué la curiosité des observateurs militaires, qui se demandent si l’armée ukrainienne s’est mise en ordre de bataille.

Ainsi, Tokmak, une ville occupée par les Russes à mi-chemin entre Zaporijjia et Melitopol, a été touchée par des obus ukrainiens, a confirmé l’agence de presse russe Tass, mardi 25 avril. Et des troupes ukrainiennes ont aussi réussi à franchir le Dniepr, ligne de défense naturelle pour l’armée russe, aux alentours de Kherson, a affirmé lundi l’Institute for the Study of War, dans son point quotidien sur l’évolution de la guerre en Ukraine.

Direction la Crimée ?

Si 300 kilomètres séparent ces manœuvres, elles "suggèrent toutes les deux une activité militaire ukrainienne en direction de la Crimée", affirme Sim Tack, un analyste militaire pour Force Analysis, une société de surveillance des conflits. La presqu'île annexée par la Russie en 2014 est souvent citée comme l’un des objectifs de guerre possibles pour Kiev.

Le franchissement du Dniepr par des soldats ukrainiens a été confirmé par des blogueurs militaires russes sur Telegram, souligne l’Institute for the Study of War. Il se serait produit aux alentours d’Olechky, une ville dans la banlieue sud de Kherson débouchant sur "une route directe vers la Crimée", note Sim Tack. Pour cet expert, ce serait "la voie logique pour atteindre la péninsule si on ne veut pas se battre dans la région de Tokmak".

© Studio graphique France Médias Monde

Car cette ville représente l’autre alternative pour atteindre le Sud occupé par les Russes. Elle constitue "un carrefour stratégique qui permet de descendre ensuite vers Melitopol et ainsi couper les forces russes dans la région de Kherson du centre de ravitaillement de Marioupol", assure Huseyn Aliyev, spécialiste du conflit ukraino-russe à l'université de Glasgow. Pour lui, une contre-offensive qui réussirait à occuper cet axe Tokmak vers Melitopol signifierait une reprise quasi-assurée de toute la région de Kherson, facilitant ensuite une avancée vers la Crimée.

Mais de là à affirmer que l’état-major ukrainien a fini par lancer les hostilités pour la très attendue contre-offensive qui se déroulerait donc vers la Crimée et non pas au Donbass, c’est encore un peu tôt, assurent tous les experts contactés par France 24.

Tester les défenses russes

"C’est à la fois les débuts de la contre-offensive, et en même temps ce n’est pas encore elle", louvoie Sim Tack. En effet, les indices relevés par les observateurs "ne représentent pas, en tant que tels, un changement notable de la ligne de front", soutient Huseyn Aliyev.

Ainsi, les forces ukrainiennes avaient déjà réussi à franchir le Dniepr au même endroit en novembre dernier peu après avoir repris Kherson. "Surtout, ce n’est pas un franchissement massif, accompagné de tout le matériel nécessaire pour établir une tête de pont dans la région. Ce sont des petites unités très mobiles qui ont traversé le fleuve", assure Sim Tack.

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"Cela ressemble plus à des opérations de reconnaissance pour tester les défenses russes et potentiellement commencer à apporter des munitions pour constituer des stocks en vue d’une possible opération plus vaste", note Jeff Hawn, spécialiste des questions militaires russes et consultant extérieur pour le New Line Institute, un centre américain de recherche en géopolitique.

En d’autres termes, ces manœuvres pourraient constituer "la première phase de la contre-offensive", note Sim Tack. Une telle opération ne se déroule pas en un seul assaut. Les forces ukrainiennes vont d’abord chercher à localiser les points faibles du dispositif de défense ennemi, tout en tentant de détruire les lignes de soutien logistique.

D’où le bombardement de Tokmak. La ville n’est pas seulement un carrefour stratégique, elle "abrite aussi un centre de commandement russe, des équipements comme un dépôt de munitions et un centre de redéploiement des troupes", assure Sim Tack.

Tous les chemins de la contre-offensive mèneraient donc à la région de Kherson pour préparer ensuite la bataille de Crimée. Mais c’est un scénario qui a un petit air de déjà-vu. "Il ne faut pas négliger la possibilité d’une opération de diversion", assure Jeff Hawn. Déjà peu avant la dernière contre-offensive qui avait mené à la reprise de Kharkiv à l’automne 2022, les forces ukrainiennes avaient ostensiblement fait croire à une attaque sur Kherson pour tromper la vigilance russe.

Huseyn Aliyev a ainsi du mal à croire à une grande opération impliquant la traversée du Dniepr. "Franchir un fleuve est beaucoup plus risqué que de passer par la route vers Zaporijjia", assure-t-il. En outre, "de l’autre côté du Dniepr à cet endroit, ce sont des marais, ce qui rend quasiment impossible d’y débarquer des véhicules lourds pourtant nécessaires pour percer les lignes ennemies", ajoute Sim Tack.

Ce qui laisserait l’autre grande option : le Donbass, et plus particulièrement la région de Louhansk. L’avantage est qu’il n’y a pas de Dniepr à franchir, mais l'inconvénient est que "c’est beaucoup moins plat que la région de Kherson avec davantage de villes à reprendre, ce qui rendrait la progression beaucoup plus lente", note Huseyn Aliyev.

Pression internationale

Quel que soit le plan mis au point, les Ukrainiens "subissent une pression intense pour mener cette contre-offensive", reconnaît Sim Tack. "Elle est devenue inévitable car les pays occidentaux ont envoyé énormément d’équipements militaires et veulent avoir la preuve que c’était nécessaire", affirme Jeff Hawn.

Un contexte qui pourrait avoir des conséquences sur la planification des opérations. "Cette pression risque de pousser les Ukrainiens à mener une grande opération spectaculaire plutôt que d’avancer plus lentement et sûrement", craint Huseyn Aliyev. Autre conséquence possible : "Les Ukrainiens vont être tentés de donner la priorité aux gains de territoire plutôt qu’à la destruction des unités ennemies parce qu’une carte où on voit clairement l’avancée ukrainienne passe mieux dans les médias internationaux que des rapports sur telle ou telle brigade russe détruite. Pourtant, c’est tout aussi important", assure Jeff Hawn.

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