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Réforme des retraites : qui sont les neuf Sages du Conseil constitutionnel ?

Le destin de la réforme des retraites repose entre les mains des neuf membres du Conseil constitutionnel qui devront se prononcer vendredi sur sa constitutionnalité. Qui sont ces Sages ? Quels sont leur profil et leur parcours professionnel ? Série de portraits.

Les neuf membres du Conseil constitutionnel.
Les neuf membres du Conseil constitutionnel. © Joël Saget
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Validera ou validera pas ? Le sort de la réforme des retraites se joue entre les membres du Conseil constitutionnel. Les neuf juges se prononceront le 14 avril sur la constitutionnalité du projet de financement de la sécurité sociale, dans lequel est incluse la réforme des retraites. Les Sages devront également statuer sur le RIP, le référendum d'initiative partagé.

Demain à la une - réforme des retraites
Demain à la une - réforme des retraites © France24

  

Comme à chaque fois qu'il est sollicité, le petit cercle de personnalités politiques et judicaires s'assure que les lois votées par le Parlement sont bien conformes à la Constitution. Leur rôle est avant tout juridique. Ils sont tenus de faire preuve d'impartialité et leur proximité politique avec le gouvernement n'est pas censée entrer en considération dans la décision rendue. "Mais dans toute décision juridique, il y a toujours une part d'interprétation", estime Bruno Cautrès, politologue, chercheur au CNRS et au Cevipof (le Centre de recherches politiques de Sciences-Po). 

Le parcours politique de chacun de ses membres peut malgré tout influencer la décision qu'ils rendront. "C'est avant tout le droit qui réunit les membres du Conseil constitutionnel, opine Olivier Rouquan, politologue et constitutionnaliste. Ils ont également à leur disposition des magistrats qui les épaulent pour orienter leur décision en droit et aussi une jurisprudence dont ils doivent tenir compte. Mais on ne peut pas faire fi de leur parcours. À ce niveau-là, il faut bien le dire, le droit constitutionnel a aussi une dimension politique".   

Les neuf membres du Conseil constitutionnel sont d'ailleurs nommés par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat - chacun ayant la possibilité de désigner trois membres. Leur mandat, non renouvelable, est d'une durée de neuf ans, et le renouvellement s'opère par tiers tous les trois ans. Les présidents de la République sont également membres de droit, à vie. René Coty, Vincent Auriol ou plus récemment Valéry Giscard d'Estaing sous la Ve République ont fait valoir ce droit. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy y ont siégé à temps, avant d'y renoncer. François Hollande a quant à lui refusé ce statut pour ne pas être tenu de respecter un devoir de réserve. 

Passage en revue des neuf membres de cette institution mal connue (par ordre d'ancienneté au sein de l'institution). 

 

Laurent Fabius est de ces hommes politiques que l'on ne présente plus. Le septuagénaire a occupé toutes les fonctions politiques que la République propose ou presque. Il a été le plus jeune Premier ministre de la Ve République à 37 ans en 1984. Il a également été ministre du Budget, de l'Industrie et de la Recherche, de l'Économie et des Finances, des Affaires étrangères. Il a été deux fois président de l'Assemblée nationale.  Il a aussi été Premier secrétaire du Parti socialiste au temps de sa superbe et président de la COP 21 sur le climat en 2015. 

Le politicien, que l'on dit brillant un brin arrogant, signe un parcours sans faute jusqu'à l'affaire du sang contaminé. À partir du 9 février 1999, il est jugé pour "homicide involontaire". Si la justice finit par l'acquitter, son nom reste étroitement lié au scandale. Cette affaire l'empêche même de briguer la présidence de la République. Ses nombreuses tentatives pour y parvenir sont vaines. Ce rendez-vous manqué avec l'Élysée demeure son éternel regret. 

À défaut de prendre la présidence de la République, Laurent Fabius peut se consoler avec celle du Conseil constitutionnel. François Hollande alors président de la République le nomme le 19 février 2016. "Les décisions que Laurent Fabius a pu prendre depuis sa prise de fonction (NDLR le 8 mars 2016) n'ont jamais soulevé de mouvement de contestation. On peut penser que son éloignement du pouvoir depuis plusieurs années le laisse parfaitement libre de juger", indique Olivier Rouquan.

 

Méconnu du grand public, Michel Pinault rejoint le Conseil constitutionnel le 8 mars 2016, sur nomination du Président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains). Fils d'un général de brigade aérienne, ce juriste de formation diplômé de HEC et de l'École nationale d'administration, a partagé sa carrière entre le privé et le public. Grand connaisseur du monde de l'entreprise, il a travaillé à l'Union des assurances de Paris (UAP) à partir de 1991, puis au sein du groupe AXA (1996-2004). On a également confié à ce haut-fonctionnaire de l'Etat la charge de maître des requêtes au Conseil d'État en 1980 et de Conseiller d'État en 1992. En 2011, il devient membre de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers avant d'en prendre la présidence en 2014. Il a aussi assuré la présidence du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) de 2008 à 2014.

On dit qu'il s'acquitte de ses dossiers avec calme et humour. Chacun espère qu'il saura conserver son flegme avec celui de la réforme des retraites.

 

Ceux qui côtoient assidument les rangs du Palais Bourbon ont déjà pu voir cette haute-fonctionnaire au temps où Claude Bartolone présidait l'Assemblée entre 2012 et 2017 du haut de son "perchoir". À cette époque, discrètement assise derrière lui, elle murmurait à l'oreille de l'élu socialiste, disait-t-on dans les rangs de l'Hémicycle. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que ce dernier ait soumis son nom pour intégrer le Conseil constitutionnel le 16 février 2016. 

Réputée dynamique et connue pour sa passion de la moto, - elle se rend au travail sur une BMW 650 -, elle connaît tous les rouages de la Chambre basse. Entrée au Palais-Bourbon en 1975 à 22 ans au service des affaires sociales après avoir décroché le concours d'administrateur, elle gravit un à un les échelons du pouvoir. En 2010, elle est nommée secrétaire générale de l'Assemblée nationale et la Présidence, le plus haut poste de l'administration de l'Assemblée nationale. Surnommée "Cocolulu" par ses collaborateurs, la haute-fonctionnaire de 70 ans a quitté les ors de l'Assemblée pour ceux du Conseil constitutionnel, ultime consécration pour celle qui a passé sa carrière dans l'ombre des responsables politiques. 

 

Le parcours de François Pillet oscille entre le droit et la politique. Avocat de profession, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Bourges de 1996 à 1997 se laisse séduire par les sirènes de la politique. Le 17 décembre 2007, il est élu sénateur du Cher. Ses administrés lui renouvellent leur confiance jusqu'en 2019. Dans l'Hémicycle, il est rattaché au groupe UMP avant d'être apparenté au giron LR. L'homme politique reste toutefois sensible aux questions juridiques.

Il devient membre puis vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale du Sénat. Il est également de 2015 à 2019 président du comité de déontologie du Sénat. En 2016, il affiche son soutien à François Fillon alors en lice pour la primaire présidentielle des Républicains. En 2019, il est nommé membre du Conseil constitutionnel sur proposition du président du Sénat, Gérard Larcher. "François Pillet a lui aussi un profil politique, proche du Sénat, résume Olivier Rouquan. Mais cette proximité ne doit, là encore, pas présumer de l'impartialité de sa délibération".   

 

Son crâne dégarni et son sourire discret sont familiers de tous les Français. Agrégation en lettres classiques, École normale supérieure, Sciences-po Paris, ENA, Alain Juppé est un pur produit républicain qui a accumulé les diplômes parisiens, loin de ses Landes natales. Il entre en politique en 1976. Cette année-là, Jacques Chirac, alors Premier ministre, cherchait un "normalien sachant écrire" et "connaissant les finances publiques pour préparer ses discours". Alain Juppé devient son chargé de mission puis son conseiller technique. Sa carrière politique est jalonnée de nominations et d'élections plus ou moins heureuses. Il est tour à tour ministre du Budget, des Affaires étrangères, président du RPR. 

En 1995, année faste, il devient Premier ministre de Jacques Chirac et maire de Bordeaux. En 2002, il fonde l'UMP et en prend la présidence. Quelques mois plus tard, il est rattrapé par l'affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris. Il est condamné en janvier 2004 à 18 mois de prison avec sursis et 10 ans d'inéligibilité, une peine ramenée en appel à 14 mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité. Il démissionne de tous ses mandats et part enseigner au Québec. Commence pour lui une longue période d'absence.

Il revient sur le devant de la scène lors de la primaire de la droite de 2016 pour l'élection présidentielle. Il s'incline face à François Fillon. Autrefois réputé sévère et austère, - on le dit "raide comme un pin des Landes"-, il cultive aujourd'hui l'image d'un homme modéré. Nommé au Conseil constitutionnel sous l'impulsion de Richard Ferrand lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale, il siège chez les Sages depuis le 11 mars 2019, date à laquelle il a prêté serment. "Comme pour Laurent Fabius, son éloignement du pouvoir devrait lui conférer une indépendance d'esprit", souligne Olivier Rouquan. 

 

Jacques Mézard est un ancien politicien aguerri. Il est même tombé dans la marmite politique dès son plus jeune âge : il est le fils de l'homme politique Jean Mézard, qui fut maire d'Aurillac, président du conseil général du Cantal entre 1968 et 1976 et sénateur du Cantal de 1971 à 1980. Si Jacques Mézard se lance d'abord dans le droit et embrasse une carrière d'avocat, il marche bientôt dans les pas de son père en devenant à son tour conseiller municipal d'Aurillac, conseiller général du Cantal, puis sénateur du Cantal à partir de 2008. 

Membre du Parti radical de gauche (PRG) puis du Mouvement radical (MR), il fait partie en 2017 des premiers élus qui applaudissent les discours de campagne présidentielle d'Emmanuel Macron à l'heure où beaucoup le considèrent avec scepticisme. Ce soutien de la première heure est récompensé : en mai 2017, il rejoint le premier gouvernement d'Édouard Philippe en tant que ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation. Un mois plus tard, il devient ministre de la Cohésion des territoires. En février 2019, il est nommé membre du Conseil constitutionnel par Emmanuel Macron. 

"Son récent passé de membre du gouvernement donne à son profil une connotation politique plus grande que les profils comme Alain Juppé ou Laurent Fabius qui ont eu le temps de prendre le large avec la politique", poursuit Olivier Rouquan. Est-ce à dire qu'il manquera d'objectivité dans son jugement ? Nul ne peut le dire".   

 

Véronique Malbec a un profil entièrement juridique. "Mais la fin de carrière passée à partir de juillet 2020 comme directrice de cabinet d'Éric Dupond-Moretti, donne également à son parcours une connotation politique", précise Olivier Rouquan. Sa nomination parmi les Sages est aussi la seule à avoir été remise en cause dans la presse. La magistrate française, qui siège depuis le 14 mars 2022 au Conseil constitutionnel, sur proposition du président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, est accusée d'avoir bénéficié d'un renvoi d'ascenseur. Lorsque Richard Ferrand a connu des démêlés avec la justice au lendemain de la présidentielle de 2017, Véronique Malbec qui était alors procureur général, supérieur hiérarchique du procureur de Brest, avait classé le dossier sans suite, alimentant les soupçons de la magistrature.

La juge a pourtant tout au long de sa carrière gravi tous les échelons de la justice sans aucune ombre au tableau. De la direction des services judiciaires aux parquets généraux de Rennes et de Versailles, on salue son indépendance face aux pressions des politiques. Elle fait face aux élus de droite comme de gauche. Son intégrité lui vaut d'ailleurs d'être la première femme nommée à la tête du secrétariat général du ministère de la Justice en 2018.

 

Sans accroc, c'est ainsi qu'on peut qualifier le parcours de François Seners, haut fonctionnaire de 65 ans. Originaire de Metz, l'énarque fraîchement diplômé occupe dans les années 80 le poste de directeur du cabinet du préfet d'Indre-et-Loire (1983-1984), puis celui de directeur du cabinet du préfet des Yvelines (1984-1986), avant d'être nommé sous-préfet de Saint-Martin-Saint-Barthélemy, arrondissement de la Guadeloupe, en octobre 1986. La suite de sa carrière est étroitement liée aux Outre-Mer. Conseiller technique sous divers gouvernements, il est notamment chargé en 1999 de maintenir un dialogue entre partisans et adversaires de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie avant le référendum d'autodétermination organisé le 4 novembre 2018.  

Parallèlement, il est appelé en 2008 pour être le directeur de cabinet de la Garde des Sceaux Rachida Dati. L'année suivante, il est conseiller auprès du Premier ministre François Fillon. Le 1er juin 2012, il est nommé secrétaire général du Conseil d'État, chargé de l'ensemble des juridictions administratives. Le 20 octobre 2014, il quitte le Conseil d'État pour occuper une fonction plus politique en devenant directeur du cabinet de Gérard Larcher, président du Sénat français. Il retourne finalement au Conseil d'État en octobre 2017, avant de le quitter à nouveau. Cette fois, Gérard Larcher lui propose de le nommer au Conseil constitutionnel. C'est chose faite le 23 février 2022.  

 

Comme Jacques Mézard, Jacqueline Gourault est de ces Sages dont l'expérience politique est encore très récente. Elle était jusqu'en mars 2022 ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Sa nomination parmi les Sages par Emmanuel Macron avait d'ailleurs créé des remous au sein de l'opposition. "Le Conseil constitutionnel n'a pas seulement besoin de juristes, mais aussi des personnalités qui connaissent la société française", l'avait alors défendue Philippe Bas, ancien président de la commission des lois du Sénat.

Connue pour son franc-parler, cette ancienne professeure d'histoire-géographie pendant plus de 20 ans dans le Loir-et-Cher s'engage en politique sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. Elle d'abord conseillère municipale en 1983. Ce n'est qu'en 1989 qu'elle est élue maire de la commune de La Chaussée-Saint-Victor (Centre-Val de Loire) avant de briguer les législatives de 1993 face au médiatique Jack Lang. Battue de quelques voies, la candidate parvient à faire invalider la réélection du responsable politique de premier rang. Certes, Jacqueline Gourault a perdu la circonscription mais gagne un nom au niveau national. Figure historique du MoDem, elle est une proche de François Bayrou et s'inscrit partout dans son sillage.

Comme Jacques Mézard, elle croit aussi dès 2017 au destin présidentiel du jeune parti En Marche!. Son ralliement précoce à Emmanuel Macron est lui aussi payant : elle est nommée ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'Intérieur, dans le deuxième gouvernement d'Édouard Phillipe avant de rejoindre le gouvernement Castex en 2018. Depuis le 8 mars 2022, date à laquelle Jacqueline Gourault a prêté serment, elle est également soumise à son devoir de réserve.   

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