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Les plaies d'Haïti

A Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, l'économie informelle est prédominante.
A Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, l'économie informelle est prédominante. © Sandrine Exil

Une équipe de France 24 s'est rendue à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, avant que les gangs ne prennent le contrôle de toute la ville. Un écrivain, une vendeuse ambulante, un importateur de denrées alimentaires, des migrants déboutés et des candidats à l'émigration racontent comment ils ont traversé les crises de ce pays, entre la faim, l'insécurité et la violence des bandes armées.

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"Les bandits ont le champ libre", titrait en première page, le 3 mars 2023, Le Nouvelliste, le plus ancien journal d'Haïti. L'article fait référence au rapport de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime publié le jour même, qui dénonce l'augmentation de la violence urbaine subie par des millions d'Haïtiens, du fait de l'emprise des bandes armées. "Haïti est en proie à des crises multiples, interdépendantes et en cascade", peut-on lire en première page. 

Margot Loizillon

Marcher dans les rues de Port-au-Prince est un risque en soi. Sur de nombreuses artères, dont les principales, on trouve des échoppes illégales contrôlées par des gangs qui imposent de facto leur loi. À ce paysage de désolation s'ajoutent le drame des enlèvements, relatés quotidiennement par les médias locaux, et celui de la migration qui n'est ralentie que par la difficulté d'obtenir un passeport.

Insécurité alimentaire

Dadi, une vendeuse de rue, passe sa journée autour de ses marmites pleines de sauce pois (plat régional typique à base de haricots et de riz) et de poulet (la protéine la moins chère, car elle ne vient pas de l'étranger) qu'elle prépare tous les jours.  Sa clientèle consomme de moins en moins en raison de la hausse des prix (47 % d'inflation en 2022). Cette mère de deux enfants assure que "c'est le moins cher que je peux préparer". "Peu de gens peuvent se le permettre" ajoute-t-elle.

Un contrôle de police à Port-au-Prince.
Un contrôle de police à Port-au-Prince. © Herminia Fernández

En Haïti, la nourriture est rare et l'eau potable est une ressource vitale dont manque une grande partie de la population, notamment celle qui est assiégée dans les quartiers les plus contrôlés par les gangs. En octobre 2022, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a alerté sur la grave crise humanitaire qui touche plus de 4,7 millions d'Haïtiens.

Violences urbaines

Jesumène René, mère de trois enfants, travaille comme employée de maison. Ses revenus lui permettent de payer une chambre de 16 mètres carrés dans un quartier où l'influence des gangs n'est pas encore manifeste. Elle reconnaît que "lorsqu'ils (ses enfants) seront grands, je ne sais pas s'ils voudront quitter le pays, je ne sais pas... Je ne vois pas quel sera leur avenir". Selon Human Rights Watch,150 000 Haïtiens ont été déplacés par la violence urbaine dans le pays. De plus, selon International Focus Group, l'influence des gangs est en hausse depuis 2021, avant même l'assassinat du président Jovenel Moïse.

Les habitants de Delmas à Port-au-Prince tentent de se soustraire à la loi des bandes armées.
Les habitants de Delmas à Port-au-Prince tentent de se soustraire à la loi des bandes armées. © Herminia Fernández

Depuis, le pays a radicalement changé. Se déplacer sans l'aide d'une voiture blindée et d'un service de sécurité privé est impossible, tant pour les quelques hommes d'affaires qui sont restés en Haïti, que pour notre équipe de journalistes. À plusieurs reprises, nous avons pu observer des "check points" mis en place par les bandes criminelles. 

Se barricader

Jean-Marc Nouaisser, un commerçant franco-marocain, importe dans le pays des denrées alimentaires. Pour continuer à vivre dans la capitale, il a construit une véritable forteresse autour des entrepôts où il stocke du poisson et d'autres aliments. Protégés par des gardes lourdement armés, de hauts murs, des barbelés et un protocole strict pour éviter les vols, l'homme d'affaire explique aussi que la police doit escorter les 30 camions de livraison de l'entreprise. 

Lui-même vit dans ses entrepôts pour réduire le risque de se déplacer dans la ville. Des précautions similaires sont prises par les hôtels qui ferment leurs portes avant la tombée de la nuit et ont construit des barrières, des grillages et des murs en béton autour de leurs locaux afin d'éviter les agressions et de prévenir les enlèvements.

Les gangs prennent le contrôle de Port-au-Prince

Lors du tournage de ce reportage, pendant la première semaine de février, l'équipe de France 24 a constaté que les gangs contrôlaient entre 40 % et 60 % du territoire de Port-au-Prince. Près d'un mois plus tard, les gangs contrôlent entièrement la ville. "Aujourd'hui, la capitale d'Haïti est contrôlée à 100 % par des gangs armés ", explique à RFI Rosy Ducéna, du Réseau national de défense des droits de l'homme. Cette montée de la violence vise, selon elle, à "augmenter la pression sur la communauté internationale pour encourager une intervention internationale".

Une pancarte en français et en créole à l'entrée d'un hôtel de Port-au-Prince.
Une pancarte en français et en créole à l'entrée d'un hôtel de Port-au-Prince. © Herminia Fernández

En novembre 2022, une équipe des Observateurs de France 24 avait constaté que plus de 150 gangs étaient actifs dans le pays. Benoit Vasseur, chef de mission pour Médecins Sans Frontières en Haïti, souligne que leur travail devient de plus en plus difficile. Cette mission médicale, présente sur l'île depuis trois décennies, se concentre sur le soutien médical aux populations les plus défavorisées. "Nous bénéficions d'une grande acceptation au sein de la population, nous soignons tout le monde. La communauté dans laquelle nous travaillons est garante de notre sécurité et du respect de notre activité".

>> À voir : Haïti : dans l'enfer des gangs, l'enquête des Observateurs de France 24

Les centres médicaux de MSF, situés dans les quartiers les plus défavorisés de la capitale, ont été le théâtre d'incidents violents depuis 2022. "Le 15 août 2022, un patient de l'un des hôpitaux que nous gérons dans le quartier de Carrefour a été froidement exécuté à l'extérieur de l'hôpital. Cela s'est répété au cours de la dernière semaine de janvier 2023". Le chef de mission rappelle que le système de santé est en crise, en raison du manque de ressources financières, des destructions liées au tremblement de terre de 2021 et à l'exode humain des professionnels de santé.

Partir à tout prix 

Le secteur de la culture est, lui aussi, touché de plein fouet par la crise. Lyonel Trouillot, romancier et poète, anime une émission de radio hebdomadaire, un des rares espaces culturels du pays. "Il est essentiel d'avoir ce type d'émission, car c'est là que circule vraiment le discours haïtien sur ce que nous voulons faire de ce pays. Nous avons ce gouvernement, qu'il est difficile d'appeler un gouvernement, qui n'a aucune légitimité et qui, sans pouvoir convaincre qui que ce soit en Haïti, a besoin d'une force étrangère pour légitimer son existence", souligne Lyonel Trouillot. 

L'équipe de France 24 a également observé de longues files, devant le bâtiment de l'immigration, d'Haïtiens désespérés demandant un passeport. La plupart d'entre eux préfèrent ne pas parler à la caméra, ils ne se sentent pas à l'aise. "Ils viennent montrer notre malheur", s'écrie un homme en se couvrant le visage. Ces files d'attente s'allongent depuis que le président américain Joe Biden a décidé d'inclure les Haïtiens dans une procédure d'immigration accélérée afin qu'ils puissent rejoindre l'Amérique du Nord par des "voies sûres".

Aucune solution à la crise haïtienne ne se dessine à l'horizon. Une intervention militaire internationale suscite la résistance de la population locale, les précédentes missions militaires dans le pays n'ayant pas laissé un souvenir impérissable. Beaucoup réclament une solution locale. Cependant, en l'absence d'élections législatives et présidentielles à court terme, le système politique démocratique du pays semble irrémédiablement affaibli.

Cet article a été traduit de l'espagnol avec l'aide du service de traduction automatique DeepL par David Gormezano. Retrouvez l'original ici

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