Accéder au contenu principal
Intox

Destruction de véhicules “par des Français” au Mali ou Burkina Faso ? Attention intox !

Des véhicules auraient-ils été détruits par des militaires français quittant le Mali ? Ou bien des Français abandonnant une mine du Burkina Faso seraient-ils à l’origine de la scène ? Voici deux explications qui accompagnent une vidéo qui circule sur Twitter et Facebook depuis le 13 novembre 2022. La scène s’est en fait déroulée à la mine de Perkoa au Burkina Faso, mais c’est une société australienne à qui la production minière était sous-traitée qui a détruit ces voitures jugées vétustes.

Selon de nombreux comptes, cette vidéo montre des véhicules étant détruits par des Français avant qu’ils ne quittent le Burkina Faso, ou le Mali. Mais c’est une société australienne qui détruit ses véhicules sur cette séquence.
Selon de nombreux comptes, cette vidéo montre des véhicules étant détruits par des Français avant qu’ils ne quittent le Burkina Faso, ou le Mali. Mais c’est une société australienne qui détruit ses véhicules sur cette séquence. © Observateurs
Publicité

La vérification en bref

  • Depuis le 13 novembre 2022, des comptes Twitter et Facebook francophones, arabophones et anglophones partagent une vidéo montrant des véhicules étant détruits. Ils affirment que “des Français” sont à l’origine de ces démolitions. 
  • Certaines publications prétendent que la scène s’est déroulée au Mali dans le cadre de la fin de l’opération Barkhane, quand d’autres situent la scène dans la mine de zinc de Perkoa au Burkina Faso.
  • Selon le ministère de l’Énergie, des Mines et des Carrières burkinabè, la vidéo a été prise sur la mine de Perkoa, à l’arrêt suite à des inondations meurtrières survenues en avril 2022.
  • Ce ne sont pas des “Français” qui détruisent certains de leurs véhicules, mais des représentants de la société australienne Byrnecut, le sous-traitant qui était chargé de l’exploitation de la mine.
  • Quant aux raisons de telles destructions, impossible à ce stade de les déterminer avec certitude. Le sous-traitant et le propriétaire de la mine n’ont en effet pas souhaité répondre à nos questions. Des sources officielles burkinabè avancent que les véhicules étaient jugés “hors d’usage”.

 

Le détail de la vérification

C’est une vidéo qui circule accompagnée de plusieurs légendes. On y voit deux véhicules pick-up en train d’être détruits par un engin de démolition. Plusieurs hommes en habit de travail assistent à la scène. “Good job !” (“Beau travail !”), s'exclame à la fin de la séquence celui qui semble filmer la vidéo. 

Une scène qui se passe pour certains au Mali. “Fin de barcane au Mali  les français  détruisent tout ce qui leur  appartient faute de les ramener  chez eux.” (sic), est-il écrit en légende de cette publication Twitter du 14 novembre, visionnée plus de 6 000 fois. 

Capture d’écran d’un tweet du 14 novembre 2022 qui affirme que la destruction de ces véhicules s’est déroulée dans le cadre de la fin de l’opération Barkhane au Mali.
Capture d’écran d’un tweet du 14 novembre 2022 qui affirme que la destruction de ces véhicules s’est déroulée dans le cadre de la fin de l’opération Barkhane au Mali. © Observateurs

Pour d’autres utilisateurs, cette vidéo n’a rien à voir avec l’opération Barkhane, cette opération militaire lancée en 2014 au Sahel et au Sahara par l’Armée française pour lutter contre les groupes jihadistes et dont la fin a été officialisée le 9 novembre par Emmanuel Macron.

Ces comptes affirment que les Français seraient à l’origine de ces destructions, mais que la vidéo aurait été tournée dans un autre pays d’Afrique de l’Ouest. “La réaction des français avant de quitter le Burkina Faso : voilà les responsables de la mine de Perkoa au Burkina, qui détruisent leurs véhicules avant de partir”, peut-on lire sur cette publication Facebook du 14 novembre 2022, partagée plus de 450 fois.

Cette publication Twitter en anglais, retweetée près de 7 000 fois, affirme elle aussi que la scène se passe dans la mine de Perkoa, une mine de zinc du centre du Burkina Faso, actuellement à l’arrêt. Ce tweet en arabe, partagé plus de 5 000 fois, propose également une légende similaire.

Capture d’écran d’un tweet du 14 novembre 2022 qui affirme que la destruction de ces véhicules a été menée par des Français quittant la mine de Perkoa au Burkina Faso.
Capture d’écran d’un tweet du 14 novembre 2022 qui affirme que la destruction de ces véhicules a été menée par des Français quittant la mine de Perkoa au Burkina Faso. © Observateurs

Une mine détenue par des Canadiens et sous-traitée à des Australiens

La scène s’est bien déroulée sur le site de “la mine industrielle de Perkoa”, comme communiqué par le ministère de l’Énergie, des Mines et des Carrières au Conseil des ministres du 16 novembre 2022. Une information que l’on retrouve dans ce compte-rendu du Conseil des ministres et qui fait suite à une mission dépêchée sur place dès le 13 novembre par le gouvernement burkinabé “pour échanger avec les responsables de la mine”. 

Celle-ci a également fait savoir que les véhicules détruits étaient ceux “d’un sous-traitant de la société Nantou mining SA, en l’occurrence la société Byrnetcut SARL”.

On peut d’ailleurs remarquer que le logo présent sur les voitures de la vidéo correspond au logo de Byrnecut.

Selon de nombreux comptes, cette vidéo montre des véhicules étant détruits par des Français avant qu’ils ne quittent le Burkina Faso, ou le Mali. Mais c’est une société australienne qui détruit ses véhicules sur cette séquence.
Selon de nombreux comptes, cette vidéo montre des véhicules étant détruits par des Français avant qu’ils ne quittent le Burkina Faso, ou le Mali. Mais c’est une société australienne qui détruit ses véhicules sur cette séquence. © Observateurs

Mais contrairement à ce qu’affirment de nombreuses publications, ce ne sont cependant pas des Français qui étaient responsables de cette mine. Ouverte en 2013, la mine de Perkoa est détenue à 10 % par l’État burkinabé et à 90 % par la société canadienne Trevali Mining, qui l’exploite via sa filiale Nantou Mining. 

Depuis 2016, Nantou Mining faisait elle-même appel à un sous-traitant pour le développement de la mine et la production de zinc : la société australienne Byrnecut. C’est ce qu’on peut le lire sur le site internet de celle-ci.

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Elie Kabore, directeur des publications du site internet Mines Actu Burkina, confirme qu’il n’existe aucun lien entre cette mine et des exploitants français et ajoute :

“Aucune mine n’est exploitée par des Français au Burkina Faso. Les Français sont dans les domaines du transport, de la logistique, des hydrocarbures, des explosifs,... Les mines sont gérées par des Canadiens, des Australiens, des Russes.”

Des véhicules “hors d’usage" ?

Pourquoi, alors, Byrnecut a-t-il détruit ces véhicules ? 

Selon la délégation dépêchée par le gouvernement, c’est l’état des véhicules qui aurait entraîné leur destruction. 

“Il ressort que six véhicules ont été effectivement détruits suivant la politique de la société en matière de gestion des véhicules hors d’usage selon les responsables de la mine.” peut-on lire sur le compte-rendu du Conseil des ministres précédemment cité.

Aucun élément supplémentaire n’a cependant été fourni pour étayer cette hypothèse. 

Contactée à multiples reprises par la rédaction des Observateurs de France 24, la société australienne n’a pas souhaité répondre à nos questions. En l’absence d’éléments factuels, difficile de déterminer avec certitude les raisons ayant mené à la destruction de ces véhicules.

Mine en liquidation judiciaire

D’anciens employés de Nantou Mining joints par notre rédaction ont également refusé de s’exprimer, la société étant actuellement en liquidation judiciaire. 

Le 6 octobre 2022, la maison mère Trevali Mining avait en effet demandé la liquidation judiciaire de sa filiale Nantou Mining, qui a été acceptée le 14 novembre 2022, comme on peut le lire dans un de ses communiqués de presse. “Le liquidateur a pris en charge la gestion des affaires de Nantou Mining et Trevali n'exerce plus de contrôle opérationnel sur Nantou Mining ni sur la mine Perkoa”, peut-on notamment y lire.

Cette liquidation fait suite aux inondations meurtrières survenues en avril 2022 qui avaient provoqué la fermeture de la mine. Huit mineurs s’étaient retrouvés bloqués à plus de 700 mètres sous terre, alors que des pluies diluviennes avaient inondé les galeries souterraines. 

Suite au drame, le directeur général de Nantou Mining et le directeur des opérations de Byrnecut Burkina avaient par ailleurs été reconnus coupables d'homicide involontaire en septembre 2022, et condamnés à des peines de prison avec sursis.

Originellement désigné sous-traitant jusqu’à 2023, Byrnecut avait ainsi vu son contrat résilié.

Des véhicules détruits pour empêcher des jihadistes de les récupérer ?

Une autre théorie a émergé sur les réseaux sociaux pour expliquer la destruction de ces véhicules. Certaines publications prétendent en effet que la société aurait ainsi cherché à éviter que ceux-ci ne tombent entre les mains de groupes jihadistes. "La politique de la mine est de ne pas céder ces véhicules au vu des antécédents de véhicules de mines impliqués dans des affaires terroristes après cession", pouvait-on lire sur cette publication Facebook du 13 novembre 2022.

Une explication sur laquelle Elie Kabore, du média Mine Actu Burkina, émet des doutes. “La zone où se trouvent les jihadistes se trouve à plus de 200 kilomètres de la mine de Perkoa”, explique-t-il. Comme le montrent des cartes du journal Le Monde publiées le 4 octobre 2022, les zones d’activités des groupes islamistes se trouvent dans le nord du Burkina Faso, alors que la mine de Perkoa se situe au centre du pays, dans une zone relativement sûre.

Le journaliste souligne cependant le caractère inédit de ces destructions et s’interroge par ailleurs sur la légalité d’une telle opération. 

“Le code minier prévoit que le matériel utilisé dans les mines bénéficie d'avantages fiscaux au niveau de la douane, qu’il paie moins de taxes. La douane exige ensuite que ce matériel ne quitte pas le site, qu’il serve uniquement à cet usage. Si le matériel est entré sur le territoire avec ce statut, ce qui est probable, Byrnecut ne peut pas détruire les engins sans l’avis de la douane”.

Le gouvernement a d’ailleurs ordonné de plus amples investigations sur la situation fiscale des véhicules afin de savoir si ces destructions étaient conformes à la réglementation, comme on peut le lire sur le compte-rendu du Conseil des ministres du 16 novembre 2022.

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.