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Guerre d'Algérie : Macron annonce un projet de loi de reconnaissance et de réparation pour les harkis

Le président français, Emmanuel Macron, a franchi un nouveau cap, lundi, et a demandé pardon aux harkis, au nom de la France. Lors d'une réception à l'Élysée, il a annoncé un projet de loi de reconnaissance et de réparation à l'égard de ces anciens combattants aux côtés de l'armée française durant la guerre d'Algérie.

Emmanuel Macron a "demandé pardon" lundi aux harkis au nom de la France, estimant que le pays avait "manqué à ses devoirs" à leur égard.
Emmanuel Macron a "demandé pardon" lundi aux harkis au nom de la France, estimant que le pays avait "manqué à ses devoirs" à leur égard. © Gonzalo Fuentes, Reuters
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Emmanuel Macron a présidé, lundi 20 septembre, une réception consacrée aux harkis, ces anciens combattants aux côtés de l'armée française durant la guerre d'Algérie. Au cours d'un discours, il a annoncé une loi de "reconnaissance et de réparation".

"Le gouvernement portera avant la fin de l’année un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l’égard des harkis", a déclaré le chef de l'État.  Réclamée avec force par les associations, cette loi, qui devrait être votée avant la fin de la session parlementaire en février 2022, visera à mettre en place une commission nationale qui estimera notamment les demandes de réparation des anciens combattants et de leurs enfants et petits-enfants qui vivent dans la précarité. 

Le président français leur a demandé pardon. Jusqu'à présent, Emmanuel Macron s'était toujours gardé de le faire sur les questions mémorielles, comme le Rwanda ou les essais nucléaires dans le Pacifique. Mais, pour les harkis, il s'agissait d'un "impératif moral" pour "l'idée qu'on se fait de la France", selon un conseiller. La France "a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants", a ainsi insisté Emmanuel Macron.

"La France leur a lâché la main et leur a tourné le dos"

Le chef de l'État a rappelé que près de 200 000 d'entre eux avaient porté les couleurs de la France lors de la guerre d'Algérie et qu'ils avaient rendu "d'imminents services". Mais leur accueil en France à la fin du conflit "ne fut pas digne" et la moitié d'entre eux furent "parqués dans des camps". "Ce fut le terrible sort des harkis, exclus, assujettis, empêchés, français toujours, bannis de leur sol natal, bafoués sur leur sol d'accueil", a résumé Emmanuel Macron. "Pour vous et vos familles, ce fut un abandon", a-t-il ajouté. "La France leur a lâché la main et leur a tourné le dos".

Lors de cette cérémonie, étaient invitées à l'Élysée quelque 300 personnes : des harkis, désormais très âgés, soixante ans après la fin du conflit, mais aussi leurs descendants, des responsables d'associations et des personnalités. Cette réception s'est tenue cinq jours avant la journée nationale d'hommage aux harkis, qui est célébrée tous les 25 septembre depuis 2003, notamment dans le sud de la France où ils sont très présents.

Une forte émotion était palpable dans la salle des fêtes de l'Élysée. Le discours d'Emmanuel Macron a ainsi été interrompu pendant quelques minutes : une femme, très émue, l'a interpellé en affirmant que les excuses ne suffisaient pas. Le président a été aussi applaudi à plusieurs reprises, notamment quand il a déclaré : "Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance ; nous n'oublierons pas. Je demande pardon, nous n'oublierons pas".

Au cours de la réception, le président a également décoré Salah Abdelkrim, un représentant harki blessé au combat, un officier français, le général François Meyer, qui a organisé le rapatriement "de plusieurs centaines de harkis en désobéissant aux ordres", et une fille de harki, Bornia Tarall, "militante de l'égalité des chances et de la diversité". 

Une loi réclamée pour reconnaître "l'abandon des harkis"

Les harkis sont ces anciens combattants – jusqu'à 200 000 hommes – recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant le conflit qui opposa de 1954 à 1962 des nationalistes algériens à la France. À l'issue de cette guerre, une partie d'entre eux, abandonnés par Paris, ont été victimes de représailles en Algérie. 

Plusieurs dizaines de milliers d'autres, souvent accompagnés de femmes et d'enfants, ont été transférés en France, où ils ont été placés dans des "camps de transit et de reclassement" aux conditions de vie indignes et durablement traumatisantes. Ils ont connu une intégration difficile en France, à la fois assimilés à des immigrés et rejetés par les immigrés. En 2000, le président algérien Abdelaziz Bouteflika les avait qualifiés de "collaborateurs" et, tout en critiquant leurs conditions de logement en France, avait exclu leur retour en Algérie, qui selon lui n'était "pas leur pays".

Depuis, "la République a fait des pas : il y a eu diverses procédures d'indemnisation installées au fil du temps", a rappelé un conseiller de la présidence. Autant de gestes jugés insuffisants par les associations de harkis, une communauté d'environ 400 000 personnes, qui réclamaient, dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, qu'une "loi de reconnaissance de l'abandon des harkis" soit votée et que les indemnisations existantes soient revalorisées. 

>>  Webdocumentaire : Femmes de harkis et tisseuses de la République

En septembre 2018, la secrétaire d'État aux Armées Geneviève Darrieussecq avait présenté un "plan Harkis" comprenant le déblocage de 40 millions d'euros sur quatre ans pour revaloriser les pensions des anciens combattants et venir en aide à ceux de leurs enfants qui vivent dans la précarité.

"Un pas historique"

La loi annoncée par Emmanuel Macron "est un pas historique", a réagi Dalila Kerchouche, fille de harki et réalisatrice, en jugeant que, "pour la première fois, un président avait compris la gravité du drame des harkis", qui "ont été trahis par l'État français". Cette loi "n'aura pas vocation" à établir la vérité historique, a toutefois affirmé Emmanuel Macron, en précisant que ce n'était pas son "rôle" de juger "les dirigeants de l'époque", qui revient aux historiens. En 2016, François Hollande avait déjà reconnu "les responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des harkis".

Autre figure de la communauté des harkis, Mohand Hamoumou, ancien maire de Volvic, dans le Puy-de-Dôme, a déclaré espérer que cette loi "permette enfin de sortir de la compassion et d'aller vers la vérité et la justice attendues depuis si longtemps". 

"La générosité électorale d'Emmanuel Macron ne réparera pas des décennies de mépris ainsi que l'outrage commis par le président à la mémoire de ces combattants de la France accusés, en 2017, avec d'autres, de 'crime contre l'humanité'", a en revanche dénoncé Marine Le Pen dans un tweet posté avant la réception.

D'autres rendez-vous mémoriels

Emmanuel Macron avait annoncé qu'il s'adresserait aux harkis en recevant, en janvier, le rapport de l'historien Benjamin Stora visant à promouvoir "l'apaisement des mémoires" autour de la guerre d'Algérie, qui reste "une plaie ouverte" entre les deux rives de la Méditerranée.

Après avoir pris différentes initiatives (sur Maurice Audin, l'ouverture des archives ou l'assassinat de l'avocat Ali Boumendjel...), Emmanuel Macron entend encore participer à deux journées mémorielles d'ici la fin du quinquennat : la répression par la police française d'une manifestation d'Algériens à Paris le 17 octobre 1961, et la signature des accords d'Évian le 18 mars 1962 qui ont consacré la défaite française en Algérie.

Autant de rendez-vous politiquement sensibles à l'approche de la présidentielle d'avril 2022 alors que les harkis représentent un électorat traditionnellement courtisé par le Rassemblement national et la droite.

Avec AFP

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