Russie: la mobilisation pro-Navalny peut-elle ébranler le pouvoir de Poutine?
Les manifestations de soutien à Alexeï Navalny se sont traduites par plus de 3 000 arrestations dans toute la Russie. Un chiffre qui montre que l’opposant dispose d’une solide base de partisans. Cette mobilisation de plusieurs dizaines de milliers de personnes à travers le pays est-elle de nature à ébranler le pouvoir ?
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Pour l'instant, le pouvoir de Vladimir Poutine n'est pas menacé, analyse Jean-Didier Revoin, notre correspondant à Moscou. Mais Alexeï Navalny a remporté un succès d’estime. Parvenir à mobiliser une vingtaine de milliers de personnes à Moscou, en plein hiver, alors que les autorités avaient annoncé qu’elles réprimeraient tout rassemblement est un succès indéniable.
Cependant, même si le nombre de ses partisans a atteint plusieurs dizaines de milliers dans toute la Russie, ce nombre n’est pas suffisant pour entraîner une modification immédiate de la politique du Kremlin à l’égard de l’opposition hors système, soit les partis non représentés à la Douma.
Que cherche Alexeï Navalny ? Incarcéré depuis son retour au pays, il risque plus de 13 ans de prison dans des affaires où il se dit innocent des faits qui lui sont reprochés. En mobilisant ses partisans, il veut mettre en garde les autorités. Son but est de leur faire penser qu’en le condamnant lourdement, elles s’exposeraient à un important mouvement de protestation national.
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Modèle biélorusse
Avant la fin des rassemblements ce samedi, les partisans de Navalny ont appelé à de nouvelles manifestations le week-end prochain. Quel est l'avenir de ce mouvement ? « J’ai le sentiment que ce n’est pas fini, confie Alexander Artemyev d’Amnesty International qui avait déployé des observateurs à Moscou, au micro d'Anastasia Becchio, du service International de RFI. Mais j’ai le sentiment que ça va ressembler à la situation de la Biélorussie, où nous voyons que les manifestations se déroulent tout le week-end, pendant des mois et des mois. Mais bien sûr, ça dépend beaucoup de la réaction de l’État, parce que nous ne pouvons pas dire que l’option des représailles contre les opposants est exclue. »
Alexeï Navalny sera jugé début février. La sévérité de la peine qui lui sera infligée donnera une idée des forces en présence. Car depuis son apparition sur la scène politique, il n’a jamais été condamné à de la prison ferme.
« Navalny pourrait être condamné à dix ans de prison, souligne Alexander Artemyev, parce qu’il y a une enquête contre lui qui a été ouverte pendant qu’il était en Allemagne. Nous pouvons parler de représailles contre YouTube ou tous les réseaux sociaux. Nous pouvons parler de représailles contre les activistes et les acteurs de la société civile. »
Du rappel à l'ordre à quelques jours de détention
Selon OVD Info, spécialisée dans le suivi des manifestations de l'opposition, la police a arrêté au moins 3 324 manifestants durant les rassemblements qui se sont déroulés dans des dizaines de villes, dont 1 320 personnes à Moscou et 490 à Saint-Petersbourg.
Il s'agit du plus grand nombre d'arrestations durant des manifestations de l'opposition enregistré dans l'histoire de la Russie moderne. Que risquent les personnes interpellées ?
Une bonne partie des personnes arrêtées peuvent espérer s’en sortir avec un rappel à l’ordre, une amende ou au pire, une détention administrative de quelques jours. Selon le président du Conseil consultatif pour les droits de l'homme auprès du Kremlin, Valéri Fadeïev, la plupart des manifestants arrêtés à Moscou ont été relâchés.
De 5 à 7 ans de prison
Mais pour d’autres, les suites pourraient être bien plus sévères. D’autant que les rassemblement de ce samedi ont été accompagnés, par endroits, de violences de la part des manifestants, chose plutôt inhabituelle en Russie. Aux coups de matraques et aux arrestations musclées de la police, certains ont répondu par des coups de poing, des lancers de boules de neige ou autres projectiles sur les forces de l’ordre.
Des poursuites pénales ont déjà été engagées dans plusieurs régions. Parmi les articles invoqués : agression contre les forces de l’ordre ou dommages matériels délibérés, des faits passibles de cinq ans de prison. L’article 213 du code pénal russe qui punit l’hooliganisme est aussi invoqué : il prévoit des peines allant jusqu’à sept années de réclusion. Le Comité d’enquête a aussi ouvert une procédure pénale pour implication de mineurs dans des manifestations interdites.
Le parquet de Saint-Pétersbourg indique pour sa part enquêter sur des violences, y compris « de la part des forces chargées de faire respecter la loi », suite à la diffusion d'une vidéo montrant une femme tomber au sol après avoir reçu un violent coup de pied au ventre de la part d’un policier anti-émeutes. Elle a été hospitalisée en soins intensifs.
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