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Culture : "Il y a un moment où le spectacle vivant peut mourir", alerte Jean-Michel Ribes

Consternation, déception, inquiétude, sentiment d'injustice... Le monde de la culture accuse le coup après l'annonce jeudi par le gouvernement de la fermeture prolongée pour trois semaines des cinémas, des théâtres et des salles de spectacle. Très en colère, Jean-Michel Ribes, metteur en scène et directeur du Théâtre du Rond-Point à Paris, répond aux questions de France 24.

Jean-Michel Ribes est le directeur du Théâtre du Rond-Point depuis 2002.
Jean-Michel Ribes est le directeur du Théâtre du Rond-Point depuis 2002. © Lionel Bonaventure, AFP
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Tout était prêt pour la réouverture. Depuis des semaines, comédiens, techniciens, attachés de presse, et le monde du spectacle en général, travaillaient d'arrache-pied pour cette reprise tant attendue. Mais jeudi 10 décembre, juste après 18 heures, le Premier ministre, Jean Castex leur administre une douche froide, en annonçant que les musées, les théâtres et les salles de cinémas devront rester portes closes au moins jusqu'à début janvier, afin de freiner la propagation du Covid-19.

La Ville de Paris a critiqué cette décision, regrettant vendredi que "la dangerosité moindre" des pratiques culturelles dans les cinémas, théâtres et musées n'ait pas été prise en compte pour décréter leur déconfinement.

Un avis partagé par Jean-Michel Ribes, le combatif et engagé directeur du Théâtre du Rond-Point, l'une des salles les plus célèbres de la capitale. Il dénonce auprès de France 24 une politique du "deux poids, deux mesures".

France 24 : Comment réagissez-vous à cette nouvelle fermeture des lieux culturels pour au moins trois semaines ?

Jean-Michel Ribes : Je ne veux plus réagir, car depuis le mois de mars, mes camarades et moi-même répétons la même chose… Mais ça ne sert à rien. Ce que l'on dit, c'est que depuis le début de l'épidémie, il n'y a pas eu un seul cluster dans une salle de spectacle. Tout est sécurisé : désinfection, distanciation, gel hydroalcoolique… Donc je ne suis pas certain que nous soyons la cause de la propagation de cette pandémie. 

Comme tout le monde, de Toulon à Lille, de Brest à Strasbourg, nous étions prêts à remettre toutes les machines en route. Les comédiens sont épuisés, certains pleurent. Ils ont répété pendant des semaines, prêts à faire découvrir des créations étonnantes et tout s'arrête encore une fois.

Quand on voit le monde qu'il y a dans les grands magasins, dans les transports, on s'aperçoit qu'il y a "deux poids, deux mesures". J'ai l'impression que la culture est la dernière roue du carrosse. Je suis combatif, mais à force de se battre contre des moulins à vent, ça devient compliqué. Il n'y a aucune concertation. Je n'ai pas l'impression que la culture intéresse vraiment le gouvernement.

Justement, avez-vous le sentiment d'un manque de considération de la part du gouvernement ?

Totalement. J'entends le président de la République dire "ah oui, on sait, ils ont envie de jouer", comme si nous étions des enfants dans un bac à sable. On ne s'amuse pas. C'est un métier très compliqué et un métier très utile qui crée du lien social. Nous sommes des réanimateurs. On apporte du rêve aux gens. 

Certes, il y a des aides financières de la part du gouvernement, mais nous ne sommes pas du tout écoutés. Nous ne sommes pas considérés, alors que le monde culturel a un poids économique considérable en France. Il y a plus de gens qui vont dans les théâtres que dans les stades de football. J'entends dire qu'il faut privilégier l'économie. Mais nous sommes l'économie. Nous sommes un pays de création et de culture.

>> À voir aussi sur France 24 : À L'AFFICHE - Après les annonces du gouvernement, le désarroi du monde de la culture

Faîtes nous un peu rêver, quels spectacles deviez-vous présenter en décembre au Théâtre du Rond Point ?

Je ne vais pas vous faire rêver, mais plutôt vous frustrer. Il y avait ce merveilleux "Cirque invisible", un spectacle pour les enfants, de Jean-Baptiste Thierrée et de Victoria Chaplin qui est la dernière fille de Charlie Chaplin. Et puis "La plus précieuse des marchandises", tiré de ce texte magnifique de Jean-Claude Grumberg, un conte extraordinaire… 

Malheureusement, on doit annuler et on continue à annuler des spectacles, car personne ne croit à cette histoire de réouverture au mois de janvier. On ne va pas se faire avoir une troisième fois. Et puis, il y a un moment où le spectacle vivant, comme toute chose vivante, peut mourir.

Comment voyez-vous l'année 2021 ?

Je ne vois rien. Il faut bien comprendre que la programmation d'un théâtre comme le nôtre va jusqu'en 2022. Donc quand on annule un spectacle, il faut trouver un autre créneau, mais quand ? C'est un jeu de domino infernal. 

Si on nous disait : "Vous restez fermés jusqu'au mois d'août, et après vous êtes ouvert sans contrainte", on pourrait construire quelque chose, mais pour le moment, nous sommes dans le brouillard le plus total. Il faut arrêter de nous faire mariner et surtout arrêter cette politique du deux poids, deux mesures.

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