Accéder au contenu principal
FRANCE

Les statues "diaboliques" de Notre-Dame enflammant le web d’Afrique de l’Ouest : le vrai du faux

Les statues de Notre-Dame suscitent des discussions sur les réseaux sociaux pour leur caractère "diabolique" ou "sexuel". Certaines images ne viennent pas de Notre-Dame. Le point dans cet article.
Les statues de Notre-Dame suscitent des discussions sur les réseaux sociaux pour leur caractère "diabolique" ou "sexuel". Certaines images ne viennent pas de Notre-Dame. Le point dans cet article.
Publicité

Après l’incendie de Notre-Dame de Paris le 15 avril, sur les réseaux sociaux ouest-africains, des images montrant des statues qui orneraient les murs de la cathédrale choquent des internautes qui soulignent leur caractère "diabolique", voire immoral. Si certaines de ces statues se trouvent bien à Notre-Dame, d’autres n’ont rien à voir avec la cathédrale.

La rédaction des Observateurs a identifié une cinquantaine de publications similaires au Togo, en Centrafrique, en Côte d’Ivoire ou encore au Cameroun s’indignant de plusieurs photos de statues présentes, selon les internautes, à Notre-Dame.

Si la plupart des publications ne dépassent pas la dizaine de partages, certaines en revanche – comme celle ci-dessous – ont été relayées plus de 1 000 fois (depuis supprimées), ou encore plus de 600 fois sur cette publication. Les photos circulent également via WhatsApp, sans qu’on puisse en évaluer la viralité.

Les légendes accolées aux publications évoquent "un repère de démons" pour les plus édulcorées, ou un "temple de l’homosexualité" pour d’autres.

Certaines statues qui n’ont rien à voir avec Notre-Dame

Au moins deux de ces photos n’ont pourtant rien à voir avec les sculptures de la cathédrale Notre-Dame. Nous avons retrouvé l’origine de la plupart des images grâce à une recherche d’image inversée (voir ici comment procéder).

Par exemple celle-ci, où on voit un homme montrer son postérieur et pratiquer l’auto-fellation, est en réalité une statue présente sur l’hôtel de ville de Cologne : c’est "Kallendresser" au-dessus duquel se trouve une statue de Konrad von Hochstaden, archevêque de la ville de Cologne au XIIIe siècle. L’archevêque est ainsi censé dominer la statue et vaincre les pulsions.

Autre exemple de photo qui s'est retrouvée dans ce flot d’images, mais qui n’a rien à voir avec la cathédrale Notre-Dame : cette statue d’un homme aux traits d’animal empoignant une chèvre pour un acte sexuel.

Il s’agit d’une statue du dieu Pan qu’on retrouve dans la villa des Papyrus de Herculaneum exposée au musée de Naples.

Les statues "diaboliques" de Notre-Dame, quelle signification ?

Au-delà de ces erreurs, la plupart des images associées à Notre-Dame, comme celles ci-dessous, viennent bien de la cathédrale parisienne. Mais elles ont une signification spécifique.

Toutes les photos sont à retrouver sur ce site.

"Ce sont des images qui ont quasiment une fonction magique"

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Pierre-Olivier Dittmar, historien, maître de conférences à l’EHESS, explique que ces représentations "monstrueuses" ont en réalité une fonction bien précise :

Quasiment toutes ces statues datent de la restauration de Notre-Dame dirigée par Eugène Viollet-le-Duc [un architecte amoureux du Moyen-Âge, à qui fut confiée la restauration de la cathédrale en 1844, NDLR]. C’est un imaginaire romantique propre au XIXe siècle, quasi fantastique, faisant référence notamment à Victor Hugo mais qui renvoie aussi aux images de monstres produites au Moyen-Âge.

L’idée était alors est de représenter des monstres autour de l’Église pour combattre le mal par le mal. Avec ces statues effrayantes, on pense qu’on peut faire fuir les diables, les chasser de ce lieu sacré. Les statues de sexe ou de fesses ont la même logique : ce sont des images qui ont quasiment une fonction magique. Situées souvent sous les pieds des saints ou dans les marges de l'édifice, ces images du mal sont clairement dominées par des figures positives.

Pour illustrer son propos, Pierre-Olivier Dittmar nous a envoyé cette photo montrant une statue médiévale grivoise. Il a recensé plusieurs de ces images dans son livre  "Image et transgression au Moyen-Age" co-écrit avec Gil Bartholeyns et Vincent Jolivet.

Dans l’art médiéval, on représente donc le mal pour mieux le maîtriser, le dominer. Historiquement, c’est après le concile de Trente en 1563, sous la pression des critiques protestantes, que l’Église cesse de produire ces images du mal qui devenaient de plus en plus problématiques.

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.