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INTERNET

Sommet de Dubaï : les États soupçonnés de vouloir "menotter" Internet

Le sommet international réunissant depuis lundi à Dubaï 193 pays soucieux de se pencher sur l'avenir d'Internet inquiète autant les géants de la Toile que les défenseurs d'un Web accessible à tous.

Sergey Nivens - Fotolia.com
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Des délégations de 193 pays réunies à huis clos pour discuter de la gouvernance et de la régulation d'Internet... À l’heure où la Chine, l’Iran ou encore la Russie tentent de plus en plus de mettre le Web au pas, la scène a de quoi nourrir les fantasmes de tous les aficionados des théories du complot.

C’est pourtant bien une telle rencontre qui a débuté lundi 3 décembre à Dubaï. Tous les États membres de l’Union internationale des télécoms (IUT) - l’organe de l’ONU chargé de superviser les télécommunications internationales - vont débattre pendant 11 jours des règles internationales à appliquer à Internet.

Ce conclave, baptisé Conférence mondiale sur les télécommunications internationales (WCIT 2012), se réunit pour mettre à jour le traité fondateur de l’IUT. Et il y a urgence : le texte remonte à 1988 et n’aborde pas la révolution Internet ! Un comble pour un organisme qui supervise les moyens de communications modernes.

Interprétation large

La face obscure de ce grand raout international fait peur au défenseur d'un Net libre et sans entrave. L’ombre d’États qui voudraient en profiter pour reprendre le contrôle d'un cyber-espace qui, depuis son avènement dans les années 1990, leur a largement échappé inquiète plusieurs grands acteurs de la Toile. Facebook, Mozilla ou encore Google goûtent en effet très peu à l’idée qu'une nouvelle “Constitution” internationale du Web soit adoptée.

Le célèbre moteur de recherche a ainsi poussé au front de sa guerre contre l'IUT, son “chef évangéliste” du Web, Vinton Cerf. Ce chercheur, considéré comme l’un des pères fondateurs du Net, a multiplié, ces derniers mois, les attaques contre le sommet WCIT de Dubaï. En mai dernier, il déclarait ainsi dans le New York Times que “les décisions prises à Dubaï pourraient mettre des menottes à Internet”. Plus récemment, dans le New York Post, il craignait que la conférence vise à mettre à la tête du Web un “apparatchik digne de l’époque soviétique”. Il s’est aussi fendu d’un billet de blog dans lequel il demande aux internautes de défendre un “Internet libre” et parraine une pétition anti-WCIT de Google baptisé #freeandopenweb, qui a déjà enregistré plus de 1,3 million de signatures à travers le monde.

Principale cible de cette vindicte : plusieurs mesures proposées essentiellement par la Russie, la Chine ou encore l’Arabie saoudite et rassemblées sous le titre 8 de la proposition de nouvelles réglementations de l’IUT. L’article le plus controversé, le 8A.4, affirme ainsi que “les États ne doivent pas restreindre l’accès à Internet sauf dans les cas où la souveraineté nationale, la sécurité nationale, l’intégrité territoriale pouvaient être remise en cause”. Une formulation suffisamment vague pour, affirment les détracteurs de ce texte, autoriser “les limitations à la liberté d’expression, le contrôle des activités d’opposants politiques et la vie privée des citoyens”, dénonce Harvey Anderson, l’un des vice-présidents de Mozilla, la fondation à l’origine du navigateur Firefox, dans un billet de blog du 2 décembre.

Mais tous ces grands groupes craignent aussi une autre proposition, cette fois-ci formulée par l’European Telecommunications Network Operators (ETNO). Ce lobby des opérateurs télécom européens veut profiter de cette refonte des règles internationales pour instaurer une sorte de droit d’entrée sur les réseaux nationaux. Les fournisseurs de contenus (comme YouTube, Amazon et autres) devraient, d’après eux, payer une taxe afin d’utiliser les réseaux dans lesquels les opérateurs investissent de considérables sommes d'argent. Pour l’ETNO, il n’y a aucune raison que ces groupes utilisent gratuitement des réseaux dont la mise en place et l'entretien coûtent si cher.

Rééquilibrer le rapport de forces sur le Web

Si les grandes multinationales s’opposent, pour des raisons commerciales évidentes, à une telle mesure, ils ne sont pas les seuls à crier au sacrilège. Ceux qui prônent un accès  au Web pour tous ne voient pas non plus cette mesure d’un bon œil. Cette proposition favoriserait “des fournisseurs de services puissants tels que Google, qui seraient en capacité de payer [...] tandis que les nouveaux entrants et les acteurs plus faibles seraient désavantagés”, assurait ainsi en septembre dernier la Quadrature du Net, une organisation française de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet.

Mais ce sommet n'est pas qu'une tribune pour le grand méchant censeur qui sommeillerait en chaque gouvernement. Pour ses défenseurs, la conférence doit aussi contrebalancer les intérêts purement économiques des grandes multinationales - essentiellement américaines - du Web. Elle permettrait ainsi de mettre en place des directives destinées à favoriser l’accès au réseau des 4,6 milliards de personnes qui en sont encore exclus, rappelle ainsi lundi le quotidien britannique The Guardian.

Les pays en développement voient aussi en l’IUT une alternative à la toute puissance actuelle de l’ICANN. Cette institution américaine qui gère l’attribution des noms de domaine fait, depuis 1998, la pluie et le beau temps sur le Net. Elle a souvent été critiquée - surtout par des pays comme la Chine mais aussi par l’Union européenne - pour servir en premier lieu les intérêts des États-Unis. Le sommet de Dubaï pourrait ainsi déboucher à un rééquilibrage du rapport de force dans le cyberespace.

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