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TUNISIE

À Djerba, la police tire à balles réelles sur les manifestants

Guellala, petite ville du sud de l’île Djerba en Tunisie, a été, samedi, le théâtre de violences entre les forces de l’ordre et les habitants après que ces derniers eurent organisé un sit-in réclamant la fermeture d’une décharge qui polluent leur territoire. Depuis, le discours officiel a fermement condamné la violence des manifestants, sans jamais mentionner des tirs à balles réelles de la part de la police.  

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Une balle trouvée par des habitants de Guellala, au lendemain des heurts.

 

Guellala, une petite ville du sud de l’île Djerba en Tunisie, a été, samedi 6 octobre, le théâtre de violences entre les forces de l’ordre et les habitants après que ces derniers eurent organisé un sit-in réclamant la fermeture d’une décharge qui polluent leur territoire. Depuis, le discours officiel a fermement condamné la violence des manifestants, sans jamais mentionner des tirs à balles réelles de la part de la police.

 

Entrée en exploitation en mai 2007 pour une durée de 15 ans, la décharge de Guellala, 13 000 habitants, suscite la colère de la population depuis que les digues de ce dépotoir à ciel ouvert ont petit à petit cédé et pollué les terres environnantes.

 

Pour prévenir la propagation de maladies mais aussi l’impact négatif sur l’environnement, la population locale s’est mobilisée pour demander la fermeture immédiate du site, une fermeture que le gouvernement n’envisage pas avant fin 2013.

 

Selon le ministère tunisien de l’Intérieur, les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants nés de ce désaccord ont fait 49 blessés parmi les policiers et deux parmi les protestataires. "Cela montre de quel côté la violence venait, du côté des manifestants pas de la police", a déclaré un porte-parole du ministère, précisant qu'aucune arrestation n'avait eu lieu.

 

L'île de Djerba, dont les plages sont notamment très prisées des touristes étrangers, avait été jusqu'à présent largement épargnée par ce type de violences, alors qu'ailleurs dans le pays des manifestations dégénèrent régulièrement en affrontements avec la police.

 

Cette vidéo a été postée surYou tube. Elle montre les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre à Guellala, samedi.

 

 

"Un rapport publié dans les jours qui viennent mettra en relief les violences policières"

 

Najeh Bayech est avocat et vit à Guellala. Il suit de près l’évolution de la situation de la décharge de Guellala.

 

Ce samedi matin-là, une quarantaine d’habitants ont décidé de bloquer l’accès de la décharge pour faire entendre leur mécontentement face à l’inaction des pouvoirs publics. Un représentant du gouvernement est venu sur les lieux pour négocier mais les pourparlers ont échoué. Les 'sit-inners' ont refusé de lever le camp, les autorités ont alors décidé d’envoyer des brigades de police pour les disperser. Les forces de l’ordre ont clairement fait irruption sur le site avec l’envie d’en découdre. Ils ont lancé, sans aucune sommation, des gaz lacrymogènes et provoqué du coup un vent de panique parmi les manifestants qui ont rapidement quitté les lieux.

 

Mais le plus surprenant est ce qui s’est passé ensuite. Sans aucune explication, la police a convergé vers le centre-ville pour là aussi semer le désordre. Les agents ont commencé par proférer des insultes gratuites envers la population puis, une nouvelle fois, user de gaz lacrymogènes. À ce moment-là, ce n’était plus uniquement les manifestants qui étaient visés mais l’ensemble de la population. Hommes, femmes et enfants couraient dans tous les sens. Les gens ont eu peur et aux agressions répétées des policiers, certains ont répondu par des jets de pierre.

 

D’après moi, les voyous se trouvaient dans les rangs des forces de l’ordre ce jour-là. Une personne que je connais très bien, Mohamed Ali Borgi, a été touchée à la jambe par une balle réelle et a dû être hospitalisée à Sfax [les autorités affirment avoir tiré seulement des balles en caoutchouc, mais l'hôpital Habib-Bourguiba de Sfax nous a confirmé l'admission samedi soir de  Mohamed Ali Borgi qui était blessé par balle au col du fémur. Par ailleurs, des vidéos de douilles de balles réelles circulent sur Internet.] Ils ont mis à sac une épicerie de fruits secs et le propriétaire m’a dit qu’il allait porter plainte. J’ai aussi entendu dire qu’ils avaient volé des paquets de cigarettes sans pouvoir le confirmer car je ne l’ai pas vu de mes propres yeux.

 

Cette vidéo a été postée sur Facebook. Elle montre des douilles de balles réelles retrouvées par des habitants de Guelalla.

 

La foule a fini par complètement se disperser et les choses sont rentrées dans l’ordre en milieu d’après-midi. Je ne nie pas le fait que de nombreux policiers ont pu être blessés durant ces affrontements mais le ministre de l’Intérieur ne dit pas la vérité quand il met ça sur le dos de la population.

 

Cette décharge représente un danger réel. Et a vu le jour au mépris des lois. Aucune étude d’impact sur l’environnement et la santé publique n’a été réalisée en amont. La montagne d’ordures formée par ces déchets provoque des odeurs pestilentielles et la prolifération d’insectes.

 

Dans les jours qui viennent, l’organisation à laquelle j’appartiens et qui se compose de juristes, hommes politiques locaux et autres citoyens lambda va publier un rapport qui mettra en relief les violences policières. Nous apporterons la preuve que des exactions ont été commises à l’encontre des habitants. Mais nous avons besoin d’un peu de temps pour nous organiser et frapper un grand coup pour alerter les médias.

 

Billet réalisé avec la collaboration de Grégoire Remund, journaliste à France 24.

 

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