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HISTOIRE

En images : le 50e anniversaire de l'écrasement du "Printemps de Prague"

Dans la nuit du 20 au 21 août 1968, plus de 250 000 soldats soviétiques et du Pacte de Varsovie, alliance militaire défensive, ont envahi la Tchécoslovaquie pour mater brutalement le "Printemps de Prague" et ses aspirations réformatrices.

Le 21 août 1968, des milliers de Praguois ont envahi les rues et encerclé les chars soviétiques pour protester contre l’invasion.
Le 21 août 1968, des milliers de Praguois ont envahi les rues et encerclé les chars soviétiques pour protester contre l’invasion. AFP (archives)
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Les premiers mois de 1968 avaient vu bourgeonner une libéralisation politique et culturelle dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie, aujourd'hui scindé en deux États : République tchèque et Slovaquie. Les journalistes et les étudiants appelaient à la fin de la censure, des rassemblements publics soutenant la mutation du pays étaient organisés à Prague et ailleurs, et les commémorations du 1er-Mai avaient été détournées par ceux qui réclamaient plus de libertés.

En devenant le premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque, en janvier 1968, Alexander Dubcek avait rapidement fait part de son intention de mettre en place une politique réformatrice. Trois mois plus tard, le gouvernement avait publié un "programme d'action" détaillant les projets d’Alexander Dubcek et son "socialisme à visage humain". Il prévoyait notamment une démocratisation progressive du système politique sur une période de dix ans, des refontes économiques et appelait les communistes à se mesurer à d’autres partis politiques.

Préoccupés par ces mesures et par ce qui semblait être le début de la fin du communisme tchécoslovaque, Prague ayant officiellement mis fin à sa politique de censure, plusieurs pays membres du Pacte de Varsovie (un "Otan oriental") ont estimé, courant juillet, que le programme de réforme tchécoslovaque "compromet[tait] les intérêts des autres pays socialistes". Des exercices militaires conduits par les Soviétiques dans la région de Sumava, dans le sud de la Tchécoslovaquie, ont également été organisés en guise d’avertissement aux dirigeants de Prague.

Le numéro un soviétique de l'époque, Leonid Brejnev, tentera alors de freiner l’élan du "Printemps de Prague" par une série de pourparlers, dont une à Cierna nad Tisou, petite ville frontalière entre l'URSS et la Slovaquie. Le maître du Kremlin exige que les principaux réformateurs soient écartés des postes de direction et que les restrictions soient renforcées dans les médias. De son côté, Alexander Dubcek défend son programme et réitère son engagement envers le Pacte de Varsovie et l'alliance économique du bloc de l'Est, connue sous le nom de Comecon.

À la mi-août, Moscou décide d’intervenir. Le 20 août, selon la CIA, près de 250 000 soldats soviétiques et du Pacte de Varsovie, en provenance de Pologne, de Hongrie, de Bulgarie et d’Allemagne de l’Est (la Roumanie et l’Albanie refuseront) envahissent la Tchécoslovaquie peu avant minuit. Baptisée Opération Danube (près de 500 000 hommes concernés), cette invasion fût la plus grande mobilisation militaire en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Rébellion

Vers 1 heure du matin, heure locale, le 21 août, le Présidium du Comité central du Parti communiste tchécoslovaque publie une déclaration appelant "tous les citoyens de la République à maintenir la paix et à ne pas résister aux armées, car la défense de nos frontières est maintenant impossible". Les soldats tchécoslovaques reçoivent l'ordre de rester dans les casernes.

Mais de nombreux citoyens ordinaires affluent dans la rue pour faire acte de résistance, en faisant face aux militaires et aux chars déployés à Prague et dans d’autres villes. Une foule se rassemble dans la capitale sur la place Venceslas, avec des banderoles sur lesquelles était inscrit "Svoboda" (Liberté). Elle exprime également son soutien à Alexander Dubcek et à son gouvernement, en chantant : "Dub-cek ! Svo-bo-da ! "

De leur côté, les soldats soviétiques devaient sauver la Tchécoslovaquie d'une "contre-révolution" anticommuniste imminente. Sur place, les troupes d'invasion semblaient initialement réticentes à faire usage de la force contre les habitants, écrit Michael Long dans “Making History : Czech Voices of Dissent and the Revolution of 1989”. "Au fil des jours, cependant, les commandants de chars frustrés et assiégés ont opté pour une attitude plus déterminée."

De nombreux résidents commencèrent à se rassembler devant l’immeuble de Radio Prague, où des affrontements feront plus d’une douzaine de morts. À 8 heures du matin, des soldats soviétiques occupent le bâtiment.

"Soudain, la porte du studio s'est ouverte. Dans la porte se trouvait un soldat, son uniforme couvert de poussière. Il a pointé une mitraillette vers moi et a dit "Von !" – qui signifie 'dehors !' en russe ", a raconté Cecile Koiova dans un ouvrage sur l’histoire de Radio Prague. La diffusion dans le bâtiment principal est interrompue, mais les journalistes continuent à diffuser des émissions de fortune provenant des studios annexes que les soldats n'avaient pas débusqué.

Le nombre de victimes de l'invasion du Pacte de Varsovie aura varié considérablement. Un rapport, précédemment classé top-secret, du ministère tchécoslovaque de l'Intérieur, publié en 1990, révélait que 82 personnes avaient été tuées, la plupart ayant été abattues, et 300 autres grièvement blessées. En 2017, une équipe d'historiens tchèques a estimé à 137 le nombre de victimes.

Les principaux réformateurs tchèques – Alexander Dubcek et le Premier ministre Oldrich Cernik, Jozef Smrkovsky et Frantisek Kriegel – ont été rapidement arrêtés et transférés à Moscou. Ils seront rejoints plus tard par le président Ludvik Svoboda, le vice-président du gouvernement Gustav Husak et bien d'autres.

"Normalisation"

Après plusieurs jours de négociations secrètes, les responsables tchèques retournent à Prague après avoir accepté la présence des troupes soviétiques le long de la frontière tchécoslovaque et le rétablissement de la censure de la presse dans le cadre d'un accord connu sous le nom de Protocole de Moscou.

À son retour, Alexander Dubcek prononcera un discours émouvant à la radio, dans lequel il annonce la mise en veille de son plan de réformes tout en exhortant la population à rester coopérative. C'est ainsi que débute la période de "normalisation" de la Tchécoslovaquie, et ramène le pays dans le droit chemin idéologique de la ligne du Kremlin.

L’invasion de 1968 aura également contribué à établir la doctrine de Brejnev, en vertu de laquelle Moscou se réservait le droit d’intervenir dans les pays où elle estimait que le régime communiste était menacé.

Le 16 janvier 1969, l'étudiant de l'Université Charles, Jan Palach, s'est immolé sur la place Venceslas pour protester contre la poursuite de l'occupation soviétique. Sa mort, trois jours plus tard, lui a valu d’être élevé au grade de héros national, et fût le déclencheur d’une autre vague de manifestations et de désobéissance civile contre l'invasion soviétique.

Des troubles éclateront en mars, après la victoire des Tchécoslovaques contre les Soviétiques lors des championnats du monde de hockey sur glace. Ayant perdu la confiance du Kremlin dans sa capacité à contenir la situation, Alexander Dubcek se voit contraint de démissionner en avril. Gustav Husak lui succédera jusqu'en décembre 1989, date à laquelle la Révolution de velours réussit à renverser l’ordre soviétique.

Alexander Dubcek fera son retour en politique cette année-là en tant que président d'un nouveau parlement, qui a élu à l'unanimité l'ancien dissident et dramaturge Vaclav Havel comme le premier président post-communiste de la Tchécoslovaquie.

Cet article a été adapté de l'anglais par Marc Daou. Pour lire l'original, cliquez ici.

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