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ÉTATS-UNIS

Que deviennent les enfants séparés de leurs parents immigrés clandestins aux États-Unis ?

correspondante à New York – Les enfants, séparés de leurs parents par les autorités américaines après avoir franchi illégalement la frontière entre le Mexique et les États-Unis, sont placés dans des familles d'accueil, sans savoir pour combien de temps.

Un enfant, originaire d'Amérique centrale, tentant de se rendre aux États-Unis (Photo prise à Tijuana, au Mexique, le 27 avril).
Un enfant, originaire d'Amérique centrale, tentant de se rendre aux États-Unis (Photo prise à Tijuana, au Mexique, le 27 avril). Guillermo Arias, AFP
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Depuis plusieurs jours, des enfants pleurent sous le toit de Coreen et Silas, dans leur maison du Michigan, dans le nord des États-Unis. Carrie et Karla, deux petites filles âgées de 8 et 9 ans originaires du Guatemala, et Jefferson, un petit garçon de 8 ans originaire du Honduras, ont récemment atterri chez ces inconnus, un couple sans enfant, après avoir été séparés de leurs parents. Ces derniers, considérés comme des criminels pour avoir franchi illégalement la frontière américaine, ont été placés dans des centres de détention - conséquence de la politique de "tolérance zéro" mise en place par l’administration Trump en avril. Selon cette nouvelle règle, les enfants sont désormais systématiquement séparés de leurs parents à leur arrivée illégale sur le territoire.

“Dans les premiers temps, ces petits sont très timides et ont l’air effrayés, explique Silas. Ils ne parlent pas. Il est clair qu’ils ne comprennent pas ce qu’il se passe, qui nous sommes, ni pourquoi ils sont là.”

Après un passage entre les mains des autorités, Carrie, Karla et Jefferson ont été pris en charge par l’organisation Bethany Christian Services, dont Coreen et Silas font partie. Depuis leur arrivée dans cette famille, il y a trois semaines environ, ils n’ont pas eu de contact avec leurs parents, toujours en détention.

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Ces cinq dernières semaines, plus de 2 300 mineurs ont été séparés de leurs proches, selon des chiffres communiqués lundi par l'administration Trump. Les autorités, qui peinent à faire face à la situation, ont aménagé des centres d’hébergement, notamment dans un ancien hypermarché au Texas, et ont annoncé la mise à disposition prochaine de bases militaires pour gérer ces jeunes personnes venues principalement du Honduras, du Guatemala et du Salvador. Donald Trump, de son côté, a proposé la construction de “villes-tentes”. Mais pour les organisations comme Bethany Christian Services, à qui les autorités font appel par manque de ressources, il s'agit de privilégier des structures d’accueil plus intimes.

"Jefferson, 8 ans, nous a parlé de sa mère qui hurlait et pleurait"

Dans leur famille temporaire, Carrie, Karla et Jefferson présentent des signes de traumatisme. “Ils suivent un programme éducatif la journée et le reste du temps, on essaie d’agir comme une famille normale mais ils ont très peur. Ils pleurent, surtout la nuit. Ils font des cauchemars. Ils n’arrivent pas à dormir”, explique Coreen, la maman de substitution.

“Jefferson, le petit garçon de 8 ans, nous a parlé de sa mère qui hurlait et pleurait au moment de leur séparation”, poursuit Silas. “Mais c’est surtout difficile pour la petite Karla, car elle est la seule qui ne parle pas espagnol. Elle parle un dialecte mayen et ne peut donc pas se faire comprendre. Elle éclate souvent en sanglots.”

Un problème d’interprètes en langues indigènes qui s’ajoute à cette situation dramatique. Pour le seul mois de mai, le nombre d’enfants et mineurs immigrés sans parents aux mains des autorités a grimpé de plus de 20 % par rapport à fin avril. Ils sont désormais 10 773, selon des chiffres du Département de la santé et des services sociaux (HHS).

Des dessins de Wil, petit garçon de 6 ans originaire du Honduras

Bethany Christian Services n’a plus de places. “Nous avons hébergé 99 enfants, notre capacité maximale. Mais il y a un turn-over, cela signifie que des places peuvent se libérer rapidement.” C’est-à-dire, dès que les enfants pourront retrouver leur famille. Dans cinq cas sur 99, l’organisation ne sait toutefois pas où se trouvent les parents des enfants concernés. Les mineurs peuvent également être conduits auprès de “sponsors” - des membres de leur famille ou des proches pouvant les accueillir.

“Notre but est de réunir les familles au plus vite. Si ce n’est pas possible, on veut faire en sorte que les enfants soient tout de même dans une famille, même si ce n’est pas la leur, plutôt que dans des centres d’hébergement”, affirme Dona Abbott, en charge des réfugiés à Bethany Christian Services.

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Déshumanisation

Peu d’informations circulent sur ces centres d’hébergement du sud des États-Unis et le HHS ainsi que le Département de la sécurité intérieure n’ont pas répondu aux sollicitations de France 24 pour cet article. Des images sont toutefois parvenues la semaine dernière, sur lesquelles on peut voir des couvertures de survie et des matelas à même le sol, des centaines de dos courbés habillés des mêmes pulls, et de grandes cages ressemblant à des “chenils pour chiens”, selon le reporter de MSNBC Jacob Soboroff. Seuls quelques journalistes ont été invités à visiter les lieux, au pas de course et sans pouvoir filmer ni poser des question aux enfants. Lundi 18 juin, un enregistrement audio clandestin, diffusé par le site de journalisme d’investigation Propublica, a révélé les cris et les pleurs de jeunes enfants face à des adultes visiblement peu empathiques.

Le journaliste Jacob Soboroff compare les cages des centres d'hébergement à des chenils pour chiens

“Ces enfants sont en train d’être déshumanisés. Leur langage corporel en dit long sur leur état mental. C’est inhumain et c’est extraordinaire que quiconque puisse penser que ce traitement est approprié”, estime Carola Suárez-Orozco, professeure à l’université de Californie et experte en immigration. “Le gouvernement américain traumatise ces enfants une troisième fois. Puisqu’ils sont majoritairement originaires du Honduras et du Guatemala, deux des pays les plus violents au monde, il y a de grandes chances qu’ils aient été confrontés à des situations très difficiles là-bas. Ils ont, dans un second temps, effectué un voyage extrêmement éprouvant pour arriver jusqu’aux États-Unis. Et maintenant, ça.”

Wil, un petit garçon de 6 ans venu du Honduras, a longtemps été en colère. Il est lui aussi logé chez Coreen et Silas dans le Michigan. Arrivé avant la mise en place de la tolérance zéro, il y est depuis six mois. “Il était très énervé au début, explique Silas. Contre son père surtout. Il l’a vu être menotté et emmené par les autorités. Il a pensé qu’il l’avait abandonné.” Désormais, le bambin s’est quelque peu apaisé. II se comporte avec les trois autres enfants comme un frère. Ils jouent, se chamaillent. Sur eux, Wil a un avantage : il peut téléphoner à son père détenu, “environ une fois par semaine”.

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