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SUÈDE

Pourquoi la Suède pourrait jouer un rôle clé dans la rencontre entre Trump et Kim Jong-un

De par ses liens historiques avec la Corée du Nord, la Suède, qui a été le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance du pays, pourrait jouer un rôle clé dans l'organisation de la rencontre potentielle entre Donald Trump et Kim Jong-un.

La Maison Blanche a annoncé en mars que le président américain a reçu une invitation pour rencontrer le leader nord-coréen.
La Maison Blanche a annoncé en mars que le président américain a reçu une invitation pour rencontrer le leader nord-coréen. Saul Loeb, AFP
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Depuis que la Maison Blanche a annoncé, en mars, que Donald Trump a reçu (et accepté), via des émissaires sud-coréens, une proposition de rencontre avec Kim Jong-un, les questions qui se posent sont où, quand et comment elle se déroulera. Le sommet est censé permettre une discussion sur l’avenir du programme nucléaire nord-coréen.

Une chose semble claire cependant. La Suède, qui a depuis longtemps des relations diplomatiques avec Pyongyang et fait office de puissance protectrice pour les Américains quand ils ont besoin d’aide consulaire, a offert ses services. La petite nation scandinave pourrait être la clé pour une rencontre réussie entre Trump et Kim.

"Si nous pouvons utiliser nos contacts [en Corée du Nord] de la meilleure manière, nous le ferons", a annoncé la ministre des Affaires étrangères, Margot Wallström, ce week-end, lors d’une rare visite de trois jours de son homologue Ri Yong-ho à Stockholm. La délégation nord-coréenne a aussi rencontré le Premier ministre suédois, Stefan Löfven, qui a exprimé l’espoir que son pays puisse servir de "facilitateur" dans la tenue d’une potentielle rencontre entre Trump et Kim.

>> Lire aussi : Fin des consultations en Suède, pas d'annonce concrète

Dans une interview à France 24, Björn Jerden, responsable du programme Asie au Swedish Institute for International Affairs, a expliqué que la place de la Suède comme "facilitateur" entre Pyongyang et Washington a été forgée il y a plusieurs décennies par des décisions rares, et parfois presque maladroites.

"Aujourd’hui, nous avons des liens [diplomatiques] plus forts avec la Corée du Nord que les autres nations occidentales", a-t-il affirmé.

Des Volvo à crédit

Si la Suède est restée neutre pendant la guerre de Corée (1950-1953), s’assurant de maintenir des relations avec tous les belligérants, ses véritables liens diplomatiques avec l’État reclus remontent à 1973, quand elle a été le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de la Corée du Nord. Les raisons qui ont mené à cette décision inhabituelle sont légion : alors que la gauche suédoise argumentait que la nation devait avoir des relations diplomatiques avec tous les pays du monde, qu’ils soient pro-États-Unis ou pas, le monde des affaires y flairait des opportunités d’investissement vu l’industrialisation galopante (pendant une période réduite malheureusement) de la Corée du Nord.

En 1975, le gouvernement suédois, accompagné de certaines des plus importantes compagnies nationales – dont le fabricant automobile Volvo et le groupe industriel Atlas Copco – organisait un immense salon industriel à Pyongyang. Y fut annoncé que l’État ermite avait passé des commandes de produits fabriqués en Suède à hauteur d’environ 1 milliard de couronnes (100 millions d’euros). L’un des contrats couvrait la livraison de 1 000 Volvo, dont beaucoup roulent encore dans les rues du régime communiste. Parallèlement au salon, la Suède annonça aussi l’ouverture de son ambassade à Pyongyang, devenant le premier pays occidental à y installer une mission diplomatique.

>> Lire aussi : Les précédentes tentatives de rencontre au sommet entre la Corée du Nord et les États-Unis

Cependant, les contrats d’affaires de la Suède avec la Corée du Nord ont vite tourné au vinaigre, étant donné l’incapacité de Pyongyang à payer pour ses nombreux achats.

"Les problèmes sont liés au fait que la Corée du Nord ne soit pas habituée au commerce international et aux règles qui s’y appliquent. Sur une courte période, ils ont fait des achats importants à l’étranger", disait le ministre suédois de l’Industrie au quotidien Dagens Nyheter en 1975.

Encore aujourd’hui, la Corée du Nord doit des centaines de millions de couronnes à la Suède. Cependant, les relations diplomatiques sont restées plus ou moins intactes.

"Un petit homme en talonnettes"

En 2001, les liens entre Stockholm et Pyongyang se sont réaffirmés quand le Premier ministre de l’époque, Göran Persson, a mené une délégation européenne en Corée du Nord, devenant le premier dirigeant occidental à visiter officiellement l’État reclus.

Pendant cette visite, il a rencontré le père et prédécesseur de Kim Jong-un, Kim Jong-il.

"Est arrivé ce petit homme en talonnettes, portant une sorte de survêtement de sport, très optimiste et un peu autoritaire. Il avait l’air très ordinaire. Toutes ces histoires le présentant comme quelqu’un avec un problème mental, drogué, obsédé par la pornographie, incapable de raisonner sur le développement politique, ne devraient pas être prises en compte", raconte Göran Persson dans un documentaire sur sa carrière.

"Si c'est bien Kim Jong-il que j’ai rencontré, je veux dire. On ne peut pas en être certain."

Selon Björn Jerden, la neutralité de la Suède pendant la guerre de Corée est un des facteurs déterminants qui lui ont permis de maintenir ses relations diplomatiques avec le pays jusqu’à aujourd’hui.

>> À voir : Rapprochement des deux Corées, simple sursis ou véritable détente ?

"Si on y pense, la guerre de Corée reste la raison principale aux problèmes que nous avons aujourd’hui", note-t-il, pointant les ambitions de la Corée du Nord avec son programme militaire nucléaire et la présence continue des troupes américaines en Corée du Sud.

"Pour la Corée du Nord, c’est une menace contre son existence", affirme Björn Jerden.

La Suède a aussi une présence militaire en Corée du Sud, quoique moins menaçante : une poignée de soldats suédois aident toujours à surveiller la frontière entre les deux Corées dans le cadre de la Commission de supervision des nations neutres, chargée de maintenir le cessez-le-feu qui a mis fin aux hostilités entre les deux pays en 1953.

"Il faut noter que ce n’est qu’un cessez-le-feu, techniquement ils [les deux Corées] sont toujours en guerre. C’est donc très tendu", précise Björn Jerden.

Libération de prisonniers

Björn Jerden explique qu’étant donné sa présence diplomatique de longue durée à Pyongyang, la Suède a aussi réussi à affirmer sa position très particulière de négociateur avec les Coréens du Nord, surtout en ce qui concerne la représentation d’autres États avec son statut de puissance protectrice. Au-delà des États-Unis, la Suède assume la responsabilité consulaire pour l’Australie, le Canada et ses voisins scandinaves et baltes.

L’année dernière, la Suède a aidé les États-Unis à négocier la libération de l’étudiant américain Otto Warmbier, qui avait été condamné en 2016 à Pyongyang à 15 ans de travaux forcés, accusé d’avoir essayé de voler une affiche de propagande dans un hôtel. Pendant son incarcération, il était tombé dans le coma et est décédé peu après son retour aux États-Unis.

>> À voir : La tragique histoire d'Otto Warmbier, l'étudiant américain détenu plus d'un an en Corée du Nord

En 2017, la Suède a aussi contribué à la libération du pasteur canadien Soo Lim, condamné aux travaux forcés à vie en 2015 pour avoir, selon l’accusation, comploté pour renverser le régime nord-coréen.

Pendant la rencontre avec la délégation nord-coréenne à Stockholm, relate CNN, le gouvernement suédois s’est "lourdement engagé" au nom des trois Américains actuellement en détention en Corée du Nord.

Björn Jerden confie que si la Suède peut influer dans ce dossier en particulier, notamment pour leur libération, cela représentera beaucoup pour les discussions entre Trump et Kim.

"Cela montrera de la bonne volonté au nom de la Corée du Nord", dit-il. "Ça serait symbolique et serait un atout à présenter à Trump, avec lequel il pourra dire que c’est [ce type de négociations] la meilleure chose à faire."

>> Lire aussi : "C’est avant tout une victoire politique pour la Corée du Nord"

Cependant, la Corée du Nord doit encore confirmer officiellement que l’invitation a bien été envoyée à Trump.

Les spéculations vont bon train sur le lieu où pourrait avoir lieu ce sommet, des rumeurs citant la Norvège, la Suisse, et bien sûr la Suède, comme des hôtes potentiels. Mais pour Björn Jerden, le choix de la zone démilitarisée entre les deux Corées est plus probable.

"Kim n’a pas fait de voyage officiel à l’étranger depuis qu’il est arrivé au pouvoir il y a sept ans, donc je ne pense pas qu’il soit intéressé à voyager si loin."

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