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BIRMANIE

Birmanie : tout ce qu’il faut savoir sur les Rohingyas

L’ex-secrétaire général de l’ONU Kofi Annan doit se rendre vendredi dans l’ouest de la Birmanie pour aller à la rencontre des Rohingyas. France 24 fait le point sur cette minorité musulmane persécutée.

Des Rohingyas ayant fui la Birmanie, dans un camp indien à Hyderabad, en juin 2016.
Des Rohingyas ayant fui la Birmanie, dans un camp indien à Hyderabad, en juin 2016. Noah Seelam, AFP
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C’est une visite très attendue. L’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, est attendu vendredi 2 décembre dans l’État d’Arakan (ouest de la Birmanie), dans un camp où vivent des Rohingyas, une minorité musulmane persécutée là-bas. Il y a trois mois, l'ancien secrétaire général a été nommé par la Première ministre birmane, Aung San suu Kyi, à la tête d’une commission pour mener une enquête sur les discriminations et violences auxquelles fait face cette communauté dans la région.

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"C’est une visite qui compte, car depuis le 9 octobre 2016, les autorités ont restreint l’accès pour les associations humanitaires et les observateurs internationaux, alors même que les Rohingyas vivent depuis des années dans des conditions très difficiles et subissent depuis cette date de nouvelles violences de la part de l’armée birmane", explique à France 24 Morgane Eches, coordinatrice Myanmar-Birmanie pour Amnesty International.

  • La situation des Rohingyas aujourd’hui

Le 9 octobre 2016, neuf gardes-frontières ont été tué lors de l'attaque de trois postes au nord de l’État d’Arakan, à la frontière avec le Bangladesh, attribuée à un groupe terroriste islamiste rohingya. Depuis lors, selon John McKissick, qui dirige l’agence du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) à Cox’s Bazar (ville du sud-est du Bangladesh), la Birmanie se livre à un "nettoyage ethnique".  "Les militaires et la police des frontières ont entrepris de punir collectivement la minorité rohingya, tuant les hommes, massacrant les enfants, violant les femmes, brûlant les maisons, obligeant ces gens à franchir le fleuve entre les deux pays" a-t-il dénoncé le 24 novembre sur la BBC. Des informations confirmées par Amnesty International.

Selon l’ONU, 30 000 personnes ont été déplacées depuis le début de l'opération de l'armée, et d’après Amnesty International, 160 000 vivent aujourd’hui dans des camps spécifiques, dans un dénuement extrême. Ces camps ont été ouverts en 2012, après une flambée de violences dans l’État d’Arakan, cette fois entre bouddhistes, majoritaires, et les Rohingyas, qui avait fait plus de 100 morts. Mosquées brûlées, maisons rasées, arrestations… Le régime birman ainsi que des moines bouddhistes sont accusés d'avoir participé ou favorisé un "crime contre l'humanité", selon les termes de Human Right Watch (HRW).

  • Pourquoi ces persécutions ?

Les Rohingyas constituent un groupe religieux ultra-minoritaire, 88 % de la population étant bouddhiste en Birmanie. Eux se considèrent comme descendants de marchands arabes, turcs ou mongols, qui ont gagné la côte birmane dès le XVe siècle. "La présence d’une minorité musulmane est très ancienne dans la région, mais les musulmans sont arrivés plus nombreux à l’époque de la colonisation anglaise, à partir de 1824, notamment pour développer la culture du riz. Cette population-là a débarqué du Bangladesh voisin, et s’est installée dans la zone frontalière de l’État d’Arakan. Elle n’a ensuite jamais été considérée comme birmane par les autorités", explique à France 24 Alexandra de Mersan, anthropologue spécialiste de la Birmanie. Ils sont depuis vus comme des étrangers dans leur pays, plus encore depuis qu’en 1982, la citoyenneté birmane leur a été retirée. Naypyidaw les traite comme des migrants illégaux venus du Bangladesh.

>> À voir sur France24.com : "Reporters - Birmanie : 'Les Rohingyas condamnés à l’exil'"

"Par ailleurs, dans les années 1990-2000, la junte militaire a beaucoup utilisé le facteur religieux pour consolider son pouvoir et a poursuivi une politique de valorisation du bouddhisme", ce qui a amplifié le nationalisme et l’extrémisme bouddhiste.

"L’attention médiatique est plus importante aujourd’hui, mais les conflits entre bouddhistes et musulmans ont émaillé tout le XXe siècle, sans qu’ils soient jamais réglés", tient à rappeler la chercheuse. Après des années d'exactions, les Rohingyas ne sont plus que 800 000 dans un pays de plus de 51 millions d'habitants.

 

Sophie Ansel, journaliste, a écrit "Nous, les innommables, un tabou birman" (Steinkis Editions, 2012), basé sur le témoignage de Habib, un Rohingya aujourd’hui réfugié en Australie après avoir fui les persécutions. Contactée par France 24, la journaliste, qui connaît très bien la Birmanie, estime que l’armée a laissé faire les violences de 2012 pour s’assurer l’appui des bouddhistes de l’Arakan : "Ça a été un moyen pour l’armée de garder le contrôle".

Les Rohingyas n’ont parfois que la fuite comme issue, souvent au Bangladesh, où ils vivent dans des conditions d’extrême pauvreté. Au moins 10 000 d’entre eux ont passé la frontière en novembre, d’après le HCR.

 

  • La position d'Aung San suu Kyi sur la question

Il y a un an, l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991 [reçu en 2012], a été portée au pouvoir, son parti ayant largement remporté les premières élections libres du pays depuis un quart de siècle. Mais sa gestion de la question rohingya déçoit. Par crainte de s’attirer les foudres des moines boudhistes nationalistes, elle a longtemps gardé le silence sur cette question et elle n’emploie jamais le terme de "Rohyngias".

"À présent qu’elle est au pouvoir, elle ne veut pas se mettre à dos la majorité bouddhiste du pays au sein de laquelle règne un très fort sentiment anti-musulman", poursuit la journaliste Sophie Ansel, qui fustige le manque d’initiative de cette icône mondiale de la paix sur ce thème.

En avril dernier, la Première ministre a même appelé les États-Unis à ne plus utiliser cette dénomination controversée. Le gouvernement birman lui préfère généralement le terme de "Bengalis".

Pour son premier discours devant les Nations unies fin septembre, elle n'a pas mentionné directement cette minorité, mais a affirmé qu'elle allait "soutenir" le travail du comité créé par le gouvernement birman sur ce dossier sensible.

La constitution d’une commission dirigée par Kofi Annan a suscité une levée de boucliers des nationalistes bouddhistes, furieux qu’une telle mission incombe à un étranger. "C’est une bonne chose d’avoir donné ce rôle à un observateur extérieur, encore faut-il s’assurer que les autres membres de la commission sont neutres [elle est composée de six membres birmans et de trois membres de la communauté internationale], et qu’ils puissent prendre la mesure de ce qu’il se passe sur place ", estime la journaliste. Un rapport, attendu dans un an, doit évaluer les faits et proposer des solutions. C’est loin.

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