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RDC

Agressions contre des Indiens en RDC : "Le moindre incident sert d'étincelle"

Capture d'écran de la vidéo envoyée par l'une de nos Observatrices montrant l'agression d'un commerçant indien dans le centre-ville de Kinshasa.
Capture d'écran de la vidéo envoyée par l'une de nos Observatrices montrant l'agression d'un commerçant indien dans le centre-ville de Kinshasa.
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Deux mois après le meurtre d’un étudiant congolais à Delhi, l’annonce de la mort d’une Congolaise, tuée par son mari indien dans l’État du Télangana, au sud du sous-continent, le 6 juillet, a ravivé les tensions à Kinshasa. Des Congolais s’en sont pris aux commerçants indiens à coups de pierres notamment. Selon nos Observateurs, ces incidents s'ajoutent à une défiance de longue date envers la communauté indienne dans le pays.

Lire notre article : Un Congolais tué en Inde "en voulant prendre les transports en commun"

Pendant plus de trois jours, les portes des boutiques des commerçants indiens à Kinshasa sont restées fermées après une série d’attaques menées par des Congolais les 6 et 7 juillet. Les assaillants ont jeté des projectiles sur plusieurs devantures de magasins indiens de l’avenue du Commerce, une artère commerçante de centre-ville de la capitale congolaise, où se concentrent tous les commerces tenus par des ressortissants du sous-continent.

Une Observatrice, qui préfère garder l’anonymat, fréquemment en contact avec la communauté indienne, a envoyé à France 24 la vidéo de l’une des récentes agressions.

La scène se déroule à l’angle de l’avenue du Commerce et de la rue Boukassa, au centre-ville.

"Ils ont sûrement été frappés avec des pierres"

Nouko (pseudonyme) est médecin à Kinshasa. Il a soigné quatre victimes de ces expéditions punitives.

Ce qui m’a le plus choqué, c’est que deux des victimes n’étaient même pas Indiens mais Bangladais… Les hommes que j’ai soignés avaient reçu de gros coups, notamment à la tête. J’ai pu constater des plaies profondes au niveau du cuir chevelu. Un monsieur est arrivé avec deux dents cassées. Je pense qu’ils ont été frappés avec des objets durs, sûrement des pierres.

Le gouvernement congolais ainsi que les représentants de la communauté indienne en RDC ont rapidement lancé des appels au calme.

"Des commerçants ont été évacués"

Notre Observateur Martin (pseudonyme) s’est rendu avenue du Commerce mercredi 6 juillet, après les agressions, et a pu filmer le passage d’une patrouille de police.

Je suis arrivé sur l’avenue après la "chasse à l’homme". La police quadrillait le quartier. J’ai vu des commerçants indiens se faire évacuer par la police.

Une voiture de police sécurise le quartier. Vidéo envoyée par notre Observateur Martin.

Ce n’est pas la première fois que ce genre d’incidents xénophobes a lieu. Déjà en mai dernier, j’avais pu filmer de jeunes Congolais jetant des pierres sur des Indiens. Cela faisait suite au meurtre de l’étudiant congolais à Delhi.

Des Congolais s’en prennent à la voiture d’un commerçant indien le 25 mai à 12h. Vidéo envoyée par notre Observateur Martin.

Voir le reportage Ligne Directe des Observateurs : Racisme et escroqueries : le calvaire des étudiants africains en Inde

"Les commerçants indiens sont au cœur de plusieurs polémiques"

Julien Mbikayi est avocat à Kinshasa, il travaille avec plusieurs patrons indiens. Selon lui, les rivalités existantes entre les commerçants indiens et congolais expliquent également la violence et la récurrence de ces attaques.

Les Indiens refusent tous de s’exprimer sur le sujet. Si la situation est aussi délicate, c’est parce que les commerçants indiens sont au cœur de plusieurs polémiques dans le pays.

D’abord, il existe une loi depuis plusieurs années en RDC qui stipule que seuls les commerçants Congolais ont le droit de vendre au détail. Les étrangers devraient alors se contenter de vendre en gros. Or, il y a un vrai laisser-aller de la part des autorités qui ne surveillent pas vraiment l’application de cette loi. En général, les habitants préfèrent acheter leurs produits au détail chez les Indiens, qui vendent à prix bas. Ils raflent toute la clientèle… Alors qu’ils ne devraient pas en avoir le droit.

"Parfois, les assaillants connaissent les Indiens qu’ils attaquent"

Ensuite, il y a la question des relations de travail. Les Indiens de l’avenue du Commerce sont souvent employés de grands patrons indiens. Ces derniers embauchent également des Congolais, en les traitants beaucoup moins bien : salaire cinq fois inférieur, droit du travail non respecté, etc. Cela créé une défiance envers cette communauté.

Enfin, de nombreux employés indiens séjournent de façon irrégulière. C’est un sujet de débat récurrent dans le pays. [Deux semaines après les violences, le 16 juillet, huit Indiens ont été expulsés de RDC pour séjour irrégulier, NDLR.]

Le moindre événement qui s’ajoute à ce contexte fait office d’étincelle et une partie de la population s’en prend automatiquement à la communauté indienne. Les assaillants sont bien souvent des personnes qui n’ont pas de travail et qui passent leurs journées sur l’avenue du Commerce en attendant qu’on leur propose de petites missions : vider un camion de livraison par exemple. Parfois même, ils connaissent les Indiens qu’ils attaquent. Mais attention, ils ne représentent qu’une part très mince de la population de Kinshasa.

Sur une population congolaise d’environ 70 millions d’habitants, les ressortissants Indiens ne sont pas nombreux : 7 000 selon des chiffres datant de 2010. Présents notamment à Kinshasa et Lubumbashi, ils sont à la tête de petites entreprises créées par des membres de la communauté établis depuis des décennies dans le pays.

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