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CENTENAIRE 14-18

Reportage : le business de "l'attentat" de Sarajevo

Cent ans après l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, Sarajevo s'apprête à commémorer cet attentat, qui entraîna le monde dans la Grande Guerre. Un centenaire qui ne va pas sans déclencher quelques vocations commerciales.

La chambre "Sophie et Franz" de l'auberge Franz Ferdinand
La chambre "Sophie et Franz" de l'auberge Franz Ferdinand Stéphanie Trouillard/France24
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Dans son auberge de jeunesse, située dans le quartier de la cathédrale de Sarajevo, Emela Burdzovic n’a pas une minute à elle. Cette jeune femme dynamique jongle entre les coups de fils de réservation, des discussions avec des touristes et des projets de nouvelles chambres. Depuis l’ouverture de son établissement en 2013, elle connaît un certain succès. "Nous recevons beaucoup de clients ! Ce sont surtout des jeunes entre 18 et 25 ans, mais nous avons aussi eu des personnes plus âgées", s’enthousiasme la gérante du "Franz Ferdinand Hostel".

Une auberge de jeunesse "Première Guerre mondiale"

Emela Burdzovic est la première à avoir eu l’idée d’associer le nom de l’archiduc, tué le 28 juin 1914 à Sarajevo, à un hôtel de la ville. Cette femme d’affaire est même allée plus loin en dédiant entièrement son établissement à cette période de l’histoire. La dizaine de chambres, regroupées dans un vieil immeuble de style austro-hongrois, ont toutes un thème en lien avec la Première Guerre Mondiale, déclenchée juste après cet assassinat. La maîtresse des lieux ouvre la porte de la pièce Gavrilo Princip, où se trouve une photographie géante de celui qui a tiré sur l'archiduc et son épouse, puis celle du naufrage du Lusitania avec un cliché du bateau transatlantique, ou encore la chambre Verdun. "Je pensais que certaines personnes allaient trouver cela morbide, mais en fait, les clients trouvent cela plutôt cool. On a reçu beaucoup de compliments", raconte Emela Burdzovic face un grand poster montrant des soldats australiens dans la chambre Gallipoli.

Une des chambres de l'auberge de jeunesse "Franz Ferdinand"
Une des chambres de l'auberge de jeunesse "Franz Ferdinand" Stéphanie Trouillard/France 24

Née dans la capitale de la Bosnie, elle espère ainsi faire mieux connaître l’histoire de son pays aux touristes de passage : "Cela nous est arrivé de recevoir des personnes qui ne connaissaient rien sur François-Ferdinand. Un jeune garçon m’a même demandé une fois si cela avait à voir avec le groupe Franz Ferdinand qu’il aimait beaucoup. Je lui ai répondu que c’était plutôt l’inverse !", se souvient-elle en rigolant. Mais l’objectif numéro un d’Emela Burdzovic est avant tout financier. En cette année de commémorations du centenaire de l’attentat, elle sait que les retombées touristiques vont être importantes : "Nous sommes complet pour la semaine du 28 juin. C’est un bon business. C’est toujours bon pour nous qu’on parle de l’assassinat. Nous avons fait un beau travail en prenant ce nom".

Du thé Franz et Sophie

À seulement quelques rues de cette auberge, un autre commerçant de la ville a lui aussi emprunté cet héritage historique pour sa boutique. Adnan Smajic a choisi d’appeler son salon de thé "Franz & Sophie" en hommage au couple princier assassiné à Sarajevo. "J’ai ouvert ce magasin il y a environ quatre ans. Avant, j’étais médecin en Allemagne. J’ai complètement changé de vie. Le thé est ma passion", explique cet homme d’une quarantaine d’années. Contrairement à Emela Burdzovic, ce "sommelier du thé" ne s’est pas lancé dans cette affaire après avoir senti un bon filon marketing. Il se passionne pour François-Ferdinand et Sophie depuis l’enfance : "Si j’avais voulu me faire de l’argent, je serais resté dans la médecine", souligne-t-il avec humour, tout en buvant l’un des mélanges de thés spéciaux "Franz & Sophie"."  J’ai vraiment eu l’idée du nom il y a très longtemps. J’ai beaucoup lu sur leur histoire. Elle est très intéressante politiquement mais aussi d’un point de vue romantique. Il l’a épousée alors qu’elle n’était pas de son rang. Il l’a fait contre l’avis de l’empereur. Les noms de thés renvoient souvent à des faits historiques et à des légendes".

Le salon de thé "Franz & Sophie"
Le salon de thé "Franz & Sophie" Stéphanie Trouillard/France 24

Adnan Smajic est toutefois bien conscient que grâce à son nom, de nombreux clients vont franchir sa porte : "Cette année est une bonne publicité. Cela va faire venir beaucoup de touristes et même des chefs d’État. Mais j’ai peur que les gens viennent et soient déçus. Je n’ai pas de photos de François-Ferdinand et Sophie dans ma boutique. J’ai juste leurs visages sur les sachets de thé".

"Nous ne sommes pas fier de ce qu’il a fait"

Dans les ruelles de la vieille ville de Baščaršija, construite à l'époque ottomane, les portraits de François-Ferdinand et Sophie sont en revanche beaucoup plus discrets. Les magasins du quartier le plus touristique de la ville misent surtout sur l’artisanat du cuivre, hérité des Turcs. Ils proposent des services à café, des grands plateaux étincelants ou des bijoux colorés de types orientaux. Dans un magasin d’antiquité, un vendeur avoue ne pas avoir grand-chose sur François-Ferdinand et Sophie : "Je n’ai que quelques photos de famille avec leurs enfants et quelques magnets souvenirs sur l’assassinat du 28 juin". Sur l’un de ces derniers, on peut aussi voir le visage du tireur Gavrilo Princip : "Avant, j’avais plus de choses sur lui, mais maintenant je n’ai que cet aimant".

En plongeant un peu plus dans ce quartier très animé, ancien bazar de la ville et désormais repaire de touristes, les boutiques vendent essentiellement des gadgets aux couleurs bleue et jaune de la Bosnie et de l’équipe de football nationale qualifiée pour le Mondial au Brésil. Dans sa petite échoppe, Adnan Basovic est bien content de ne pas proposer d’objets en lien avec l’assassinat. "Gavrilo Princip est un terroriste. N’importe quel homme qui tire sur un autre est mauvais. Nous ne sommes pas fiers de ce qu’il a fait, mais il y en a qui se font de l’argent avec notre histoire", affirme ce jeune homme, originaire de la ville.

Sarajevo, une capitale multiculturelle.
Sarajevo, une capitale multiculturelle. Stéphanie Trouillard/France 24

Un millions de touristes

Malgré la réticence de certains commerçants et le faible nombre de produits estampillés "28 juin 1914", l’office de Tourisme de Sarajevo compte bien profiter de l’anniversaire de l’attentat pour augmenter le nombre de visiteurs. Selon sa directrice Asja Hadžiefendić-Mešić, plus d’un million de touristes sont attendus cette année : "En 2014, il y a une campagne mondiale pour promouvoir Sarajevo en tant que point central des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale. "National Geographic" a classé notre ville parmi les 20 premières à visiter cette année. À cette occasion, en juin, de nombreux événements culturels, scientifiques et sportifs vont être organisés".

Mais au-delà de ces commémorations, la ville de Sarajevo, marquée par cet assassinat puis par les terribles images du sanglant siège durant le conflit de Bosnie (1992-1995), espère aussi faire découvrir ses autres richesses : "Sarajevo est un lieu de rencontres des cultures. Ici, vous trouvez les trois religions : musulmane, chrétienne et juive. Sur un petit espace, il y a des mosquées, des églises et des synagogues. Nous sommes la Jérusalem européenne". Vingt ans après la fin de la dernière guerre, Asja Hadžiefendić-Mešić souhaite enfin changer l’image de sa cité, entre Europe et Orient : "Même si nous ne sommes pas la destination la plus attractive, nous allons être sans aucun doute la plus hospitalière, là où les touristes se sentent chez eux".

 

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